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même temps à rallumer la guerre civile au sein de la Bretagne, dans laquelle s’agitaient quelques restes de l’insurrection vendéenne sous la forme dégénérée de la chouannerie. Le cabinet britannique y avait jeté des armes, des munitions, et il se flattait encore de l’espérance que l’empereur Paul consentirait à y faire passer douze mille soldats russes, débris de la malheureuse expédition de Hollande, qui étaient restés à Jersey.

Bonaparte, cependant, réunissait à Dijon une armée de réserve, mais on se raillait de la faiblesse de cette armée, et on était loin de soupçonner que le vainqueur de l’Italie dût bientôt la ramener sur le théâtre de ses premiers exploits. Tout à coup, on apprit que, grossie subitement par des renforts dirigés avec une rare habileté vers la ligne d’opérations qui lui avait été assignée, elle s’était mise en mouvement sous les ordres du premier consul en personne, que tombant, à travers des routes presque inconnues, au milieu de la Lombardie, laissée sans défense pendant que les forces ennemies étaient occupées devant Gênes, elle était entrée triomphalement dans Milan, que de là elle avait volé au secours de Gênes, qu’arrivée trop tard pour l’empêcher de capituler, elle avait, peu de jours après, le 14 juin, livré aux Autrichiens la bataille de Marengo, et que Bonaparte avait remporté sur le vieux Melas une victoire tellement complète, que ce dernier s’était cru trop heureux d’acheter, en livrant aux Français le Milanais et le Piémont, un armistice qui lui permît de se retirer sur Mantoue. En Allemagne, les opérations militaires de nos armées ne furent pas moins heureuses. Moreau y défit le général Kray dans une suite d’engagemens que couronna la bataille d’Hochstedt, et l’Autriche dut aussi, pour arrêter sa marche, conclure de ce côté un armistice qui livra aux Français de fortes positions militaires.

Partout le sort des armes était redevenu favorable à la France. En Égypte, le général Kléber, sur le point de se voir attaqué par une armée turque très supérieure en nombre à la sienne, et dont une escadre anglaise appuyait les mouvemens, avait signé une capitulation d’après laquelle les troupes françaises, en évacuant le pays, eussent été transportées en France à bord des bâtimens anglais. Le cabinet de Londres ayant refusé de ratifier cette convention et ayant demandé que Kléber se rendit prisonnier, il répondit à cette exigence par la victoire d’Héliopolis, qui anéantit presque entièrement l’armée turque.

L’Autriche, réduite à l’extrémité, avait envoyé à Paris deux négociateurs qui y signèrent, avec M. de Talleyrand, des préliminaires de paix dont les bases étaient à peu près conformes à celles de Campo-Formio ; mais, sur ces entrefaites, le cabinet de Vienne avait conclu