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et elles donnèrent lieu à de longs débats. L’opposition blâma avec beaucoup de sévérité la politique belliqueuse qui, au lieu d’accueillir les propositions pacifiques de l’ennemi, se plaisait à prolonger une guerre ruineuse après avoir vu tromper si souvent les espérances auxquelles on se livrait de nouveau avec un empressement si aveugle. Les ministres, pour se justifier, durent particulièrement se faire une arme de l’ambition démesurée du gouvernement français, dont les promesses, suivant eux, ne méritaient aucune confiance. Pitt, recommençant l’histoire, déjà si souvent faite par lui, des causes qui avaient amené la guerre, s’efforça encore une fois de prouver que c’était la France qui avait attaqué le gouvernement britannique. Il allégua l’impossibilité d’ajouter foi au langage conciliant du premier consul ; il rappela ses actes antérieurs en termes singulièrement injurieux, et exprima l’opinion que sa puissance, dépourvue de toute base solide, n’offrait aucune garantie de durée. Il en conclut qu’on devait préférer la guerre à une paix sans sécurité, dans un moment surtout où les chances de la lutte étaient devenues si favorables, que sans vouloir imposer une restauration à la France, on pouvait compter sur les succès de la coalition pour ranimer la partie considérable de la nation française dont elle était le vœu public ou secret. Il déclara franchement qu’il désirait cette restauration, parce que la France, replacée sous l’autorité des Bourbons, serait pour long-temps hors d’état de se faire craindre. Il ajouta que si d’ailleurs elle entrait, par quelque autre voie, dans un système plus rassurant pour l’Europe, on ne s’interdisait nullement de traiter avec elle ; mais il prétendit (ce qui n’était pas complètement vrai) que, dans les négociations précédemment entamées, le cabinet de Londres avait eu en vue moins de conclure une paix presque impossible alors que de démontrer au peuple anglais l’inutilité de tout effort tenté pour obtenir de l’ennemi des conditions honorables. Ce discours accusait une singulière ignorance de plusieurs des élémens de la situation : on y trouve de bien fausses appréciations sur l’état intérieur de la France, la grandeur du premier consul y est étrangement méconnue ; mais, à côté de ces erreurs, qui peut-être, dans la bouche de Pitt, doivent être considérées jusqu’à un certain point comme des moyens oratoires destinés à agir sur l’opinion, des aperçus justes et profonds y révèlent la pensée de ce puissant homme d’état. Les argumens qu’il employa pour démontrer qu’aucune paix durable ne pouvait être conclue avec le dominateur de la France méritent surtout de fixer l’attention. « Sur quels fondemens, dit-il, croirons-nous que Bonaparte est intéressé à conclure