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dans les deux royaumes, l’admission de tous leurs sujets aux mêmes privilèges, sans en excepter ceux du commerce et de la navigation, l’interdiction d’imposer de nouveaux droits de douane sur les importations entre les deux îles, et l’engagement de diminuer peu à peu ceux qui existaient alors ; chaque portion de la dette publique antérieure était laissée à la charge du pays qui l’avait contractée ; quant aux impôts destinés à couvrir les dépenses communes, on devait pourvoir par des dispositions spéciales à ce qu’ils fussent répartis dans une juste proportion entre les deux fractions du royaume-uni.

Sheridan, tout en rendant hommage au talent avec lequel Pitt avait soutenu son projet, le combattit vigoureusement comme préparant l’esclavage de l’Irlande, et proposa deux résolutions préalables dont la rédaction insidieuse eût placé sous la suspicion de violence ou de corruption le vote éventuel d’un pareil plan. Ces résolutions furent rejetées, et, à la suite d’un long débat, la chambre des communes, à la majorité de 131 voix contre 19, sanctionna les propositions de Pitt. Les lords, à qui on s’empressa de les transmettre, y donnèrent aussi leur adhésion, et une adresse émanée des deux chambres les soumit à l’approbation royale. Muni ainsi de l’assentiment du parlement britannique, le ministère ne voulut pourtant pas engager de nouveau la question en Irlande avant d’en avoir assuré la solution favorable. Le langage tenu officiellement à Dublin par ses représentans avertit seulement la législature irlandaise que le projet auquel elle s’était montrée contraire n’était pas abandonné.

Cependant la guerre continentale, préparée durant les derniers mois de l’année précédente par de si actives négociations, avait enfin éclaté. Dès la fin de novembre, la cour de Naples, cédant à un emportement qui ne lui permit même pas d’attendre le concours de ses alliés, avait donné le signal des hostilités. Sa nombreuse armée, commandée par le général autrichien Mack, avait envahi les états de l’église et occupé Rome ; mais bientôt la petite armée française de Championnet, qui s’était d’abord retirée devant des forces trop supérieures, avait repris l’offensive, et, après avoir chassé les Napolitains de leur facile conquête, elle les avait poursuivis jusque sur leur propre territoire. Le roi Ferdinand, saisi d’épouvante, s’était réfugié en Sicile. Naples, livré aux fureurs des lazzaroni armés au nom de la religion et du trône, s’était hâté d’appeler les Français à son secours, et une nouvelle république, la république parthénopéenne, avait augmenté le nombre des satellites de la France. Dans le même moment, à l’autre extrémité de l’Italie, un général français, Joubert, sous prétexte de