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ne la remplaçât par une phrase directement improbative. Des réjouissances publiques accueillirent ces manifestations de la répugnance des communes. Ceux qui avaient voté en faveur de l’union, désignés à la haine populaire par les injures des journaux, furent insultés dans les rues.

Cet échec n’ébranla pas la volonté bien arrêtée de Pitt. Il reprit, peu de jours après, la question devant la chambre des communes britanniques. Dans un discours très long et très étudié, il commença par reconnaître qu’aussi long-temps que l’état des esprits ne se serait pas modifié en Irlande, il n’y aurait rien à faire ; mais en attendant ce changement, et pour le préparer, il invita le parlement anglais à exprimer son opinion. Il développa ensuite les considérations qu’il s’était borné à indiquer dans son premier exposé. L’union, suivant lui, pouvait seule donner une base solide aux relations de la Grande-Bretagne et de l’Irlande, si hasardées, si compromises, entravées de tant de difficultés dans la situation actuelle. Elle augmenterait considérablement les forces dont les deux pays pouvaient disposer contre l’ennemi commun, qui la redoutait plus que toute chose parce qu’il en comprenait très bien les conséquences naturelles ; elle contribuerait puissamment à la sûreté, à la tranquillité de l’Irlande ; elle y donnerait plus d’extension au commerce, elle y rappellerait même les capitaux, éloignés jusqu’alors par la continuité des désordres matériels ; seule elle pourrait rendre possible la concession des droits politiques aux catholiques en détruisant le plus fort argument qu’on y opposât, le danger de faire tomber les protestans irlandais sous le joug de leurs adversaires plus nombreux. Après avoir de nouveau réfuté, comme fondée sur des théories anarchiques, l’objection tirée de la prétendue incompétence du parlement irlandais, Pitt démontra qu’un peuple ne renonçait pas à son indépendance en s’unissant à un autre peuple issu du même sang, parlant la même langue, doué d’institutions analogues, bien que plus parfaites, et dont le concours lui était absolument nécessaire pour assurer sa prospérité et son repos. Il rappela l’exemple de l’Écosse, si heureuse maintenant par l’effet d’une union qu’on avait repoussée jadis avec tout autant de violence et par des pronostics non moins sinistres. Il énonça enfin les bases principales du projet sur lequel le gouvernement avait voulu appeler les délibérations des deux législatures. Ces bases, c’était l’union des deux couronnes, la fusion de leurs parlemens par l’introduction dans les chambres britanniques d’un nombre déterminé de pairs et de députés irlandais, le maintien de l’église épiscopale irlandaise, celui des diverses juridictions en vigueur