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actes ne pouvaient manquer d’exciter sur le continent, le directoire semblait se préparer à prendre enfin corps à corps l’Angleterre elle-même, le seul de ses ennemis qui restât encore debout. Depuis long-temps il avait annoncé une expédition destinée à porter la guerre jusque dans le sein de la Grande-Bretagne. Il y préludait par des mesures empreintes de cette violence presque sauvage qui caractérisa plus tard le système continental. Les marchandises anglaises furent saisies le même jour et vendues à vil prix dans toute l’étendue du territoire de la république. Tout navire chargé de produits anglais fut déclaré de bonne prise. Bonaparte, appelé au commandement de ce qu’on affectait d’appeler l’armée d’Angleterre, parcourait avec un nombreux cortége d’officiers d’état-major et d’ingénieurs les côtes de la France opposées aux rivages britanniques, comme pour y chercher un point d’embarquement. On peut douter, cependant, que le projet de cette expédition ait jamais été bien arrêté. Ce qui au moins est positif, c’est qu’on ne tarda pas à renoncer à une entreprise qui présentait des chances si incertaines. La pensée d’aller tarir dans l’Inde une des sources principales de la richesse et de la puissance anglaises, et, pour s’y frayer une route, de conquérir l’Égypte, s’offrit alors au jeune vainqueur de l’Italie, qui, ne voyant pas encore la possibilité de mettre la main sur le gouvernement de son pays, sentait le besoin d’entretenir par de nouveaux exploits l’enthousiasme dont il était l’objet. Le directoire, déjà inquiet de sa popularité, saisit avec empressement l’occasion de l’éloigner en hâtant l’exécution de ce projet hardi ; mais pour que les Anglais n’y missent pas obstacle, il fallait les maintenir dans la croyance que leur île même était menacée, et les engager ainsi à concentrer leurs principales forces contre ce danger imaginaire. Les démonstrations du gouvernement français atteignirent complètement ce but. Le ministère britannique, la nation tout entière, crurent sérieusement à une prochaine tentative d’invasion. De nombreux volontaires vinrent s’inscrire pour aider les troupes de ligne et la milice à la repousser. Le secrétaire d’état Dundas proposa et le parlement vota presque sans débat un bill qui réglait les mesures de défense qu’on aurait à prendre en cas de débarquement, l’incorporation facultative d’une partie de la milice supplémentaire dans l’armée, l’emploi des volontaires, la destruction ou l’enlèvement des vivres, des bestiaux, de tout ce qui, laissé sur le chemin des Français, eût pu faciliter leur marche. Bientôt après, les deux chambres reçurent un message royal qui, en les informant des préparatifs de l’ennemi et des dispositions défensives prises en exécution du bill précédemment