Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brouiller avec lord Grenville, à ne pas insister sur la cession de Ceylan et du Cap. Malheureusement, une nouvelle révolution survenue à Paris remit le pouvoir entre les mains des hommes dont la politique avait besoin de la continuation de la guerre. Le coup d’état du 18 fructidor exclut du directoire et des conseils le parti modéré et pacificateur. Un des premiers actes de la faction victorieuse fut de rappeler de Lille Maret et ses collègues, à qui on donna pour successeurs Treilhard et le farouche Bonnier. A peine arrivés, ils invitèrent lord Malmesbury à leur faire savoir s’il avait des pouvoirs suffisans pour stipuler la restitution à la république et à ses alliés de toutes les possessions conquises par l’Angleterre, et, sur sa réponse négative, ils lui signifièrent, au nom du directoire, qu’il eût, dans les vingt-quatre heures, à se retirer vers sa cour pour lui demander ces pouvoirs. Telle fut la fin des conférences de Lille, et c’est ainsi que, par la coupable folie du directoire, la France perdit l’occasion de conclure dès-lors une paix aussi avantageuse que celle d’Amiens. Bien qu’il ne fût plus possible de se faire illusion sur les intentions hostiles du gouvernement français, Pitt, pour bien établir qu’il ne fallait pas lui demander compte de la continuation de la guerre, fit encore une tentative pour reprendre la négociation. Le directoire l’éluda, comme on devait s’y attendre, et le cabinet britannique publia alors un manifeste qui, par le simple exposé des faits, rejetait sur la France la responsabilité de la rupture.

Un mois après cette rupture, le 18 octobre, Bonaparte signa avec le comte de Cobentzel, plénipotentiaire de la cour de Vienne, le traité de Campo-Formio. Par ce traité, l’Autriche abandonnait les Pays-Bas à la France, et renonçait aussi à ses droits sur le Milanais et le duché de Mantoue, déjà constitués en république cisalpine avec les provinces cédées par la cour de Rome. La république de Venise cessait d’exister, et les puissances contractantes s’en partageaient ainsi les dépouilles : la capitale, avec l’Istrie, la Dalmatie, les îles de l’Adriatique, les bouches du Cattaro, était réunie aux états héréditaires de l’empereur, qui acquérait par là une forte position maritime ; la France s’appropriait Corfou, les autres îles ioniennes et les établissemens de l’Albanie ; les provinces de Bergame, Brescia, Crème, Peschiera, étaient incorporées à la république cisalpine. Un congrès devait être tenu à Rastadt pour conclure la paix entre la France et l’empire. Par une stipulation secrète, l’empereur consentit à ce que le gouvernement français gardât la rive gauche du Rhin, et il fut convenu que Venise, alors occupée par les Français, ne serait pas