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Dès le lendemain, un message royal, joint à la délibération du conseil, invita la chambre des communes à résoudre promptement la question. Sur la proposition de Pitt, un comité fut immédiatement nommé pour l’examiner. Il présenta quatre jours après trois rapports qui tendaient tout à la fois à rassurer les esprits sur la situation de la banque en démontrant que son actif était fort supérieur à son passif, et à établir cependant que, dans les circonstances présentes, il était absolument indispensable de confirmer et de régulariser la mesure illégale prise sous l’empire de la nécessité par le conseil privé. Pitt proposa en conséquence et les deux chambres s’empressèrent de voter un bill par lequel la banque fut autorisée à rembourser en billets ceux qui viendraient lui redemander leurs fonds. Pour ne pas constituer complètement un papier-monnaie, pour éviter autant que possible ce qui eût paru assimiler ces billets aux assignats français, dont plusieurs orateurs avaient évoqué le sinistre souvenir, on ne voulut pas en rendre la circulation obligatoire entre particuliers ; par une sorte de terme-moyen, on exempta de la prison tout débiteur qui, ne pouvant rembourser ses créanciers en numéraire, leur offrirait de s’acquitter en valeurs de cette nature. L’opposition ne fit pas une très vive résistance à l’adoption de cette mesure de salut public ; mais elle s’efforça d’accabler Pitt sous la responsabilité de la déplorable situation qui exigeait des remèdes aussi extrêmes. Elle lui reprocha d’avoir, par ses trompeuses promesses et par de honteux manquemens de foi, compromis l’existence même de la banque. Fox l’accusa d’avoir mis la nation au bord de l’abîme, de s’être déshonoré lui-même, d’avoir ruiné le pays, et demanda une enquête sur tous les détails de cette affaire. Grey soumit à l’approbation de la chambre une série de résolutions qui, en substance, déclaraient le ministre coupable d’avoir porté une atteinte matérielle au crédit national par une négligence criminelle des intérêts publics et par la violation de ses devoirs les plus essentiels. Pitt, en répondant à ces virulentes attaques, se proposa surtout de prouver que les avances demandées par le gouvernement n’étaient ni la seule, ni la principale cause des embarras de la banque, et que si, malgré les avertissemens des directeurs, il avait persisté à leur demander la continuation de ces avances, bien qu’elles eussent dépassé de beaucoup les proportions ordinaires, il y avait été impérieusement obligé par les exigences de la politique. Les propositions de Fox et de Grey furent rejetées.

Le bill qui venait d’être voté ne devait avoir qu’une durée temporaire ; mais les motifs qui l’avaient rendu nécessaire n’étaient pas de