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constitutionnelles ; il prétendit que le chancelier de l’échiquier, en disposant sans autorisation de l’argent de l’état, s’était placé dans une situation telle que la chambre devait le mettre en accusation et refuser tout subside jusqu’à ce qu’il eût été condamné ; prévoyant le cas où le parlement ne ferait pas son devoir à cet égard, il en appela à l’opinion du dehors pour qu’elle réagît sur les représentans de la nation ; il s’écria que, si un pareil scandale demeurait impuni, ce qui resterait de la constitution ne vaudrait pas la peine d’être défendu. Pitt, après quelques réflexions froidement ironiques sur ces élans d’indignation successivement opposés par l’illustre orateur, avec une véhémence égale, à tant de mesures qui n’en avaient pas moins reçu la sanction du parlement, démontra historiquement et logiquement que, dans des circonstances graves, on avait plusieurs fois donné et on devait donner au pouvoir exécutif, sous sa responsabilité, la faculté discrétionnaire qu’il sollicitait. Rappelant les victoires par lesquelles l’archiduc Charles venait de terminer la campagne et qui avaient tiré l’empire d’une situation désespérée, il y trouva l’apologie éclatante de l’acte qui avait fourni à l’Autriche les moyens de lever et d’entretenir l’armée destinée à de si beaux triomphes. Wilberforce parla dans le même sens, et reconnut que la nécessité justifiait complètement le fait reproché au ministère. Vainement Grey, Sheridan, et avec eux l’alderman Combe, muni à cet effet d’un mandat spécial du conseil de la Cité, vinrent-ils appuyer les attaques de Fox. Une majorité de 285 voix contre 81 vota la proposition ministérielle, en y apportant seulement un changement de rédaction qui en restreignait la portée aux cas graves et urgens.

Lord Malmesbury était arrivé à Paris, et la négociation s’était aussitôt engagée. Dans un mémoire sommaire remis au ministre français, il avait proposé d’une manière générale, comme base du traité à conclure, l’échange proportionnel des conquêtes faites par l’Angleterre sur la France contre les conquêtes faites par la France sur les alliés de l’Angleterre. Le directoire, toujours dominé par la pensée de faire des arrangemens séparés avec chacun de ses ennemis, répondit avec aigreur que le cabinet de Londres devait traiter pour lui seul, repoussa comme insignifiant et captieux le principe vague mis en avant par le plénipotentiaire anglais, et demanda une énonciation plus précise de l’application qu’on voulait en faire. Lord Malmesbury obtint pourtant, non sans quelque peine, l’assentiment formel du gouvernement français au système des compensations. Il présenta ensuite un second mémoire, dans lequel il posa ainsi les conditions de la paix : l’Angleterre