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tard, on aurait évoqué le souvenir pour le mettre en suspicion. Il reconnut que les trois branches du pouvoir législatif étaient également essentielles au corps politique, que les principes professés par Reeves étaient inconciliables avec la constitution, et en votant pour la motion de Sheridan il en décida l’adoption. Bientôt après Sheridan proposa, au nom d’un comité institué en conséquence de cette résolution, de faire brûler publiquement par la main du bourreau deux exemplaires du pamphlet, et d’appeler l’auteur à la barre pour y entendre lire la sentence. Le comité laissait aux ministres à juger s’il ne convenait pas de présenter une adresse au roi pour le supplier d’exclure de tout emploi de confiance un homme ainsi flétri. Enfin, pour expliquer qu’on ne déférât pas à la justice un acte réputé aussi coupable, il faisait valoir des considérations de clémence et de générosité. Cette générosité prétendue fut jugée singulièrement rigoureuse. À la demande de Dundas, la chambre, rejetant les conclusions du comité, pria seulement le roi de faire poursuivre John Reeves devant les assises ; le jury le déclara innocent.

Comme les années précédentes, le parlement accorda toutes les ressources qui lui furent demandées pour continuer la guerre. L’armement jugé nécessaire pour la campagne qui allait s’ouvrir s’élevait à cent dix mille matelots ou soldats de marine, et à deux cent sept mille hommes de troupes de terre. Deux emprunts, l’un de 18 millions sterl., l’autre de 7 millions et demi, furent votés successivement, aussi bien que de nouvelles taxes destinées à en constituer l’amortissement spécial. Le vote de ces énormes subsides donna lieu à de vives discussions dans lesquelles l’opposition dirigea les critiques les plus amères contre le système financier du gouvernement et contre les opérations de la dernière campagne.

En se disposant ainsi à une lutte vigoureuse, Pitt crut pourtant devoir dégager la parole que le roi avait donnée dans le discours du trône, de travailler sérieusement à la paix aussitôt que les circonstances la rendraient possible. Un message royal annonça au parlement que, la France étant enfin arrivée à une situation qui rendait possible l’ouverture d’une négociation, le gouvernement britannique était disposé à aller au-devant des dispositions conciliantes dont l’ennemi pourrait se trouver animé, et à conclure avec lui le plus promptement possible un traité fondé sur des conditions équitables. Les deux chambres répondirent à ce message par des adresses de remerciment dans lesquelles l’opposition essaya sans succès de faire introduire des modifications qui eussent condamné la politique antérieure du cabinet,