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avoué des efforts communs, la condition absolue de toute pacification. Dans cette pensée, ils regrettaient que Pitt, entraîné, disait-on, par l’esprit positif, tenace, un peu étroit, de son ami Dundas, eût prodigué, pour la conquête des colonies françaises, des trésors et des forces qui, employés avec plus d’intelligence et de désintéressement, eussent pu assurer le triomphe de la coalition. Ils se plaignaient de l’indécision, de la faiblesse, de l’absence presque absolue de plan et de concert qui avaient fait échouer toutes les grandes opérations militaires, et dont la responsabilité, principalement encourue par les alliés de l’Angleterre, pesait aussi, jusqu’à un certain point, sur le cabinet de Londres.

Il était trop tard pour rétablir une situation si compromise. De toutes parts les armées de la coalition étaient en retraite. Sur la rive gauche du Rhin, Mayence et Luxembourg étaient les seules places qui n’eussent pas encore ouvert leurs portes aux Français. La Hollande attendait en tremblant une invasion qui déjà atteignait quelques-unes de ses provinces. L’Espagne, vaincue aussi, voyait les soldats français occuper la frontière des Pyrénées. L’attitude de la France était d’autant plus imposante qu’en ce moment même elle échappait au régime de la terreur. La journée du 9 thermidor venait de détruire la tyrannie de Robespierre ; le sang avait cessé de couler, les prisons se vidaient peu à peu, et la convention essayait de restaurer les principes sociaux qu’elle avait foulés aux pieds avec une fureur si aveugle.

Les gouvernemens qui, dans leur lassitude d’une guerre désastreuse, avaient entrevu la possibilité de traiter avec Robespierre lui-même, s’empressèrent naturellement d’ouvrir des négociations avec ses successeurs. Des communications indirectes ne tardèrent pas à être échangées entre le nouveau comité de salut public et le cabinet de Berlin. Quelques tentatives de rapprochement eurent même lieu entre la France et l’Autriche. Dans la diète de l’empire, plusieurs voix s’élevèrent pour demander la paix. Le gouvernement britannique, seul ferme et résolu au milieu de cet affaissement général, s’efforçait, par ses représentations, par ses promesses, de retenir ses alliés prêts à l’abandonner. Ayant bientôt compris l’impossibilité de ramener la Prusse à des déterminations vigoureuses, il dirigea toute son action sur l’Autriche. Un des nouveaux ministres, lord Spencer, se rendit à Vienne pour s’assurer des dispositions du gouvernement impérial. Il y trouva la cour et le cabinet divisés de sentimens. Par l’offre d’un subside considérable déguisé sous la forme d’un emprunt, il réussit à rendre l’ascendant au parti qui voulait rester fidèle à l’alliance contre la France.