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le nombre pouvait jusqu’à un certain point suppléer à l’expérience qui leur manquait encore. Guidées par des généraux sortis récemment de leurs rangs et à qui l’exemple de leurs devanciers avait appris qu’il fallait opter entre la victoire et l’échafaud, ces troupes novices commençaient à balancer la fortune, si constamment favorable depuis quelques mois aux alliés. En Flandre, une armée anglaise et hanovrienne, qui était venue sous les ordres du duc d’York, second fils de George III, appuyer la grande armée autrichienne, fut battue à Hondschoote par le général Houchard, et forcée de lever le siège de Dunkerque. Bientôt après le prince de Cobourg lui-même fut défait à Wattignies par le général Jourdan. Du côté de l’Allemagne, le général autrichien Würmser était parvenu à pénétrer en Alsace, où il assiégeait Landau. Mal secondé par les Prussiens, qui avaient à peu de distance des forces considérables, mais qui voyaient avec jalousie une conquête dont la cour de Vienne semblait vouloir s’attribuer le bénéfice, il ne put résister à l’impétueuse attaque du jeune général républicain Hoche, et après quatre jours de combats acharnés il repassa le Rhin dans le plus grand désordre. Enfin, à l’autre extrémité de la France, Toulon, mal défendu par les soldats étrangers qu’il avait appelés à son secours, fut repris par les républicains. Les Anglais, en l’abandonnant, furent moins préoccupés de soustraire les malheureux habitans à la rage des terroristes que de porter un grand coup à la marine française ; ils avaient trouvé dans le port trente-un vaisseaux de ligne et vingt-cinq frégates : ils ne purent en emmener que la plus faible partie, mais avant de s’éloigner ils mirent le feu à tout le reste.

Ainsi finit la seconde campagne de la guerre engagée entre la révolution française et l’Europe. Rien n’était décidé, mais la révolution, un moment ébranlée, s’était raffermie ; il était désormais certain qu’elle pouvait tenir tête à ses adversaires. Le danger était grand pour les trônes. Tel est l’attrait des seuls mots de liberté et d’égalité que, malgré l’effroyable dérision qui les faisait servir en France à désigner le triomphe d’une sanglante tyrannie, les succès de ceux qui les proclamaient faisaient battre, dans les autres pays, bien des cœurs passionnés et fanatiques. Dans la Grande-Bretagne surtout, et particulièrement en Écosse, les clubs révolutionnaires, quoique désavoués presqu’unanimement par les classes riches et éclairées, redoublaient de hardiesse. On vit se réunir à Édimbourg une assemblée formée de députés des clubs écossais et à laquelle assistèrent également ceux de diverses sociétés républicaines d’Angleterre et d’Irlande. Elle prit audacieusement le nom de convention britannique des délégués du