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de la coalition en jetant la France dans une effroyable anarchie. A la nouvelle du 31 mai, soixante-dix départemens protestèrent contre la violence faite par la populace de Paris à la représentation nationale, et un grand nombre d’entre eux se mirent en révolte ouverte. Depuis plusieurs mois déjà, la Vendée avait pris les armes en faveur de la religion et de la royauté. La France, divisée, déchirée, sans gouvernement régulier, ne semblait plus en état de prolonger la lutte contre l’étranger. L’effroi dont elle frappait naguère l’Europe monarchique avait fait place au mépris et au dégoût qu’inspirent les révolutions impuissantes.

Dans ces conjonctures, et au moment où le parlement britannique allait clore sa session, Fox eut l’incroyable courage de présenter à la chambre des communes une motion pour prier le roi de prendre les mesures les plus promptes à l’effet de conclure la paix avec la France à des conditions satisfaisantes pour la justice et pour la politique de la Grande-Bretagne. Burke et Windham se rendirent les interprètes du sentiment presque unanime de l’assemblée en repoussant cette motion comme une inspiration insensée, comme une tentative faite honteusement pour rompre la coalition européenne. On voulait aller immédiatement aux voix ; mais Pitt insista pour se faire entendre. Après avoir qualifié dans les termes les plus durs une proposition qui, suivant lui, ne pouvait avoir d’autre objet que de décourager les alliés de l’Angleterre, d’enhardir ses ennemis, de tromper le peuple en lui offrant la perspective d’une paix impossible, et d’exciter ensuite sa colère lorsque cette illusion viendrait à se dissiper, il exposa l’aspect sous lequel le cabinet de Londres considérait maintenant la guerre, et les devoirs qu’elle lui imposait. L’Angleterre, dit-il, jusqu’au moment où elle s’était vue attaquée, n’avait eu certes ni le droit ni la pensée d’intervenir dans les affaires intérieures de la France ; mais l’agression ayant eu lieu de la part du gouvernement français, rien ne s’opposait plus à cette intervention. Sans doute on pouvait encore s’en dispenser si, par tout autre moyen, il était possible d’obtenir pour le passé les réparations convenables et pour l’avenir les sécurités nécessaires ; mais Pitt, en faisant cette réserve, ne dissimula pas qu’à ses yeux la garantie la plus efficace de la paix de l’Europe consisterait dans la destruction de ce système sauvage, anarchique, ingouvernable, dont les provocations avaient contraint toutes les puissances à s’unir contre lui pour leur sûreté, et il soutint qu’il n’y avait aucune possibilité de traiter avec les hommes plus détestables, plus pervers les uns que les autres, qui se succédaient rapidement à la tête