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les réformes avec l’esprit qui les fait réussir, il faut être convaincu de leur utilité. Or, M de Mackau, par indifférence ou par système, paraît trouver que l’organisation actuelle de notre marine est excellente Cependant, les autorités les plus graves, les esprits les plus éminens, se sont déjà prononcés sur cette question. Un prince, dont le nom est cher au pays, a exprimé sur l’état de notre flotte une opinion devenue populaire. Aucun de ceux qui ont traité ce grave sujet n’approuve la situation présente, tous, au contraire, proclament avec douleur l’existence d’un mal que l’intérêt du pays commande de signaler. Les uns déplorent avant tout les désordres du système administratif et financier. Ils réclament des garanties nouvelles dans l’intérêt de la fortune publique. Ils veulent que les fonds votés par les chambres reçoivent l’emploi qui leur est fixé, que les ordonnateurs de la marine ne puissent plus éluder les prescriptions des budgets, que, par des interversions de chapitres, on ne consacre plus à des dépenses abusives l’argent voté pour les constructions de la flotte, qu’enfin les sacrifices de l’état ne soient jamais détournés de leur but légal. Ils exigent une surveillance plus sévère dans les arsenaux, une comptabilité plus exacte, un contrôle plus sûr D’autres, sans exclure ces moyens administratifs, appellent surtout les réformes de l’art et les progrès de la science navale, ils voudraient aussi une excitation plus forte du sentiment maritime. Ils réclament des constructions meilleures, des manœuvres plus habiles, des équipages mieux organisés, un mode de recrutement plus large et plus énergique Ces deux points de vue diffèrent sans se contredire. Que d’un côte on veuille rétablir l’ordre dans l’administration, que de l’autre on veuille une réforme militaire, peu importe on a toujours le même but de part et d’autre, celui de fortifier et d’agrandir notre puissance navale Ce serait une belle tache pour un cabinet d’encourager et de satisfaire ce noble but. Il y aurait une page glorieuse dans l’histoire pour le ministère qui relèverait sûr des bases nouvelles la puissance maritime de la France. Toutefois, de pareilles œuvres ne peuvent être confiées à des mains débiles. Pour les entreprendre, il faut de la durée. Il faut la sève, et la vigueur d’un cabinet nouveau, qui répand autour de lui la confiance qu’il porte en lui-même.

Si le cabinet du 29 octobre n’a pas l’énergie nécessaire pour régénérer notre marine, s’il ignore l’art de créer des vaisseaux et des marins, il crée du moins des pairs de France : cela est plus facile, et ne peut jeter le moindre nuage sur la politique de l’entente cordiale. Nous avons eu, depuis quinze jours, une troisième ou quatrième promotion. D’autres suivront encore ; on en fera pendant la session, et puis après, et, à la session prochaine, on en fera encore, s’il plaît à Dieu. Le ministère a juré qu’il peuplerait la pairie de ses souvenirs. Le dévouement, l’affection, les rapports de bienveillance ou d’amitié, sont plus consultés, il est vrai, que la valeur des titres personnels ; mais ce sont de petits scandales que l’institution ne défend pas, et l’on peut être sûr que la chambre des députés, n’en dira rien : le ministère est donc