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ne fera porter les canons sur les murs de Paris qu’en cas de guerre. Veut-on prendre des garanties contre un gouvernement insensé qui voudrait bombarder la capitale pour régner sur des ruines ? La seule garantie à prendre contre cette hypothèse serait de raser les fortifications. Que proposait M. Bethmont ? De faire intervenir les chambres dans l’armement, d’exiger une loi spéciale pour le transport du matériel sur les remparts ? Belle garantie contre un ministère qui aurait juré la mort de la constitution ! Ajoutez que, pendant l’absence des chambres, M. Bethmont laissait le gouvernement faire ce qu’il voudrait, de sorte que la loi se fût détruite elle-même, et eût compromis la défense du pays sans garantir sa liberté. Nous l’avouerons, nous avons peine à comprendre les résistances qui ont accueilli sur les bancs de l’opposition le projet de loi sur l’armement. Les fortifications sont faites ; l’opposition, en grande partie, les a votées ; elle a voulu sans doute qu’elles servissent à protéger l’indépendance du pays : ne pas les armer serait le comble de l’inconséquence et de la folie. Nos ports sont négligés, dit-on ; nos côtes sont sans défense : est-ce une raison pour ajourner l’armement des fortifications de Paris ? Non, dit M. Thiers ; c’est au contraire une raison de plus pour les armer, et pour exécuter en même temps les travaux que réclament nos ports et nos côtes. M. Arago voudrait que l’on attendît, pour fondre les canons, des procédés nouveaux. Quand viendront-ils ? L’illustre savant nous promet de merveilleuses inventions qui changeront l’art de fortifier les places. Combien de temps faudra-t-il les attendre ? Soyons de bonne foi, ces raisonnemens, et beaucoup d’autres que l’opposition a employés, ne répondaient guère à l’objet de la discussion. Ce n’est pas l’armement que l’on a combattu, ce sont les fortifications mêmes. On a oublié que la question était jugée ; on a voulu réveiller les préventions populaires que la discussion de 1841 avait si bien dissipées. Cette tentative n’a pas réussi. Félicitons M. Thiers et M. de Rémusat d’avoir déclaré que leur conscience bravait les calomnies, qu’ils étaient fiers d’avoir ordonné les fortifications, et jaloux de garder tout le poids de leur responsabilité. La constance et le courage sont de bons exemples à donner dans ce temps-ci.

Aux débats politiques succèdent les questions d’affaires. La chambre des députés discute en ce moment le chemin de fer du Nord. La question de système n’a pas ramené les vifs débats de l’an passé. L’exploitation par l’état et les compagnies fermières ont été faiblement défendues. Le système des concessions temporaires a prévalu. Nous ne reviendrons pas sur cette question, tant de fois controversée. Au point de vue de la politique et de l’intérêt général des citoyens, le système de l’exécution et de l’exploitation par l’état est le seul qui présente à nos yeux des garanties solides. C’est le seul qui convienne à un pays comme le nôtre, où l’administration, pour augmenter son prestige, a besoin d’accomplir de grandes choses, qui lui attirent l’admiration et la reconnaissance publiques. On allègue les difficultés financières : nous croyons qu’on les exagère. Si les chemins de fer sont de si beaux domaines