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conforme à la division française par départemens. Ce plan consiste à rétablir telles qu’elles existaient sous Capodistrias les dix nomarchies abolies par les Bavarois, et à les faire administrer par autant de gouverneurs-généraux, auxquels seraient soumis les quarante-neuf préfets des éparchies. Une autre réforme, également destinée à simplifier et à accélérer l’expédition des affaires, est l’abolition de l’affermage des impôts proposée à la chambre par le ministère. Pour produire de bons fruits, il faudrait que cette réforme fût accompagnée de la cessation absolue du système des redevances en nature, système à peu près indispensable dans tout pays où l’argent est encore rare et cher. On peut donc douter que l’adoption de la perception directe augmente réellement le budget de la Grèce ; elle aura le seul avantage de concentrer plus complètement la perception dans les mains des serviteurs de l’état. Quelles peuvent être les intentions du cabinet d’Athènes en agissant ainsi ? Nous ne lui en soupçonnons pas d’autre que celle d’arriver à une centralisation politique assez forte pour permettre ensuite à la nation de réagir à l’extérieur sans risquer de se dissoudre au dedans. De son côté, l’Hellade, en se soumettant à de pareilles mesures, espère augmenter sa force de résistance au dehors et se faciliter une occupation régulière et durable des provinces qu’il lui reste encore à réclamer de la Turquie pour qu’elle puisse se regarder comme arrivée à ses frontières naturelles.

Il ne peut être ici question de Constantinople ; mais dans plusieurs îles de l’Archipel et dans les provinces d’Épire, de Thessalie et de Macédoine, les Grecs, avant l’époque bavaroise, ont déjà été libres : ils sont impatiens de le redevenir, et ils ne négligent aucun effort pour accélérer la crise qui devra les réunir au royaume. Leurs révoltes de 1840 et 41 n’ont cédé que devant le canon des frégates anglaises et les menaces unanimes du concert européen. Depuis lors, l’agitation dans ces contrées n’a pas cessé un instant, et devrait éclairer enfin la diplomatie européenne sur l’impossibilité de maintenir plus long-temps l’absurde système gouvernemental des Osmanlis. Les populations épiro-thessaliennes se précipitent de toutes parts dans des sociétés secrètes si habilement, et nous osons dire si fortement organisées, qu’on essaierait en vain de les détruire. Toutes ces sociétés, qui n’en font qu’une, puisqu’elles n’ont qu’un même but, cachent dans des lieux inconnus les munitions et les ressources pécuniaires qui manquaient aux dernières insurrections. Jusqu’en Romélie, la jeunesse se prépare à la lutte et jure secrètement aux moines, missionnaires de la sainte étairie, de se tenir prête au premier appel. Les mouvemens de klephtes, avant-coureurs de toute guerilla grecque, se multiplient sur les frontières, et la sympathie pour ces brigands réfugiés est telle que les villageois les dérobent à l’envi aux poursuites du nizam turc et de la police d’Othon. L’impopularité profonde attachée à ces poursuites a même décidé le ministère Coletti à amnistier complètement toutes celles de ces bandes klephiques qui voudraient quitter leurs défilés et regagner en paix leurs villages. Neuf chefs avec leurs bandes ont seuls profité de l’amnistie ;