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vainement soutenus par les intrigues de Bolingbroke et la courageuse loyauté des clans écossais. Les femmes prirent une grande part à ces mouvemens et achevèrent de compromettre la cause des Stuarts, ou plutôt la ruinèrent. Elles entouraient Bolingbroke à Paris, et leur sérail tâchait de circonvenir le régent, homme trop habile pour se laisser duper, trop rompu aux voluptés pour leur rien céder de ses intérêts. « Elles me tourmentent toute la journée, disait le régent, et ne me laissent pas de repos la nuit. Faites dire à Bolingbroke qu’il n’emploie plus ces diplomates-là. » Bolingbroke, homme plus spirituel et plus ardent qu’il ne convient en de telles affaires, corrigea une faute par une faute, rompit violemment avec ces dames, et s’en fit des ennemies mortelles.

Cependant, aux communes d’Angleterre, Robert Walpole, qui n’était plus ministre, était devenu pour ses anciens collègues un adversaire dangereux ; il avait trouvé contre eux un mot, un de ces mots qui frappent à mort ; il les avait nommés le ministère allemand. Tantôt donnant la main aux jacobites, sans toutefois se compromettre avec eux, tantôt se plaçant sous la protection du prince de Galles et le raccommodant avec son père, recrutant des amis personnels, et usant surtout de ces services d’argent qui donnent tant d’autorité et permettent de dominer les positions, il eut le mérite de proposer de bons bills de finances, de donner l’idée de la caisse d’amortissement, et de s’opposer aux spéculations aléatoires et à l’agiotage ruineux, dont la fièvre dévorait l’Angleterre comme la France, et qui absorbaient tous les capitaux des deux pays. Ce qui est caractéristique, et ce que notre Horace dissimule de son mieux, c’est que Robert, tout en dénonçant et en foudroyant la déception publique, en profita sans scrupule. Quand la compagnie de la mer du Sud fonda ses actions chimériques, sur le modèle de nos actions du Mississipi, Robert prit la parole pour en signaler le danger et l’erreur, acheta pour cent mille écus de ces actions à 130, les revendit à 300, réalisa ce bénéfice énorme, et revint ensuite à la chambre triompher à la fois de ses prédictions réalisées et du bénéfice qu’il venait d’obtenir. Une partie des grands capitalistes étaient ruinés, le crédit était détruit, le commerce souffrait. On voulut alors châtier les ministres whigs qui avaient prêté la main aux agioteurs. « Il se fit, dit Horace, une phalange compacte de jacobites, de tories et de whigs, qui hurlaient à qui mieux mieux, et marchaient à la destruction du trône et peut-être du pays, si Robert Walpole ne s’était mis en travers. » Il offrit le seul remède possible, qui consistait à rendre force au crédit par un sacrifice, et à convoquer la banque et