tercets : les Trois Sources, le Diamant et la Perle, Plos et Blankflos. Ici la soif brûlante de l’infini se calme un peu, la fièvre de Dieu s’apaise, et nous voyons cette flamme qui ne tendait ailleurs qu’à s’absorber au sein du foyer universel se partager en des myriades d’étincelles semant partout la lumière et la vie. Le panthéisme de Rückert est d’humeur voyageuse ; du sofi persan volontiers il passe à Spinosa, à Novalis, dont l’harmonieuse influence modère sa fougue, ramène au ton européen ses ardeurs spéculatives et, comme un bienfaisant clair de lune, semble détendre ce que pourrait avoir d’excessif en poésie un orientalisme ainsi poussé aux dernières limites.
J’ai cité le Diamant et la Perle, on n’imagine pas une fantaisie plus agréable, une plus charmante épopée des pierres précieuses. Le poète, entrant un soir chez sa maîtresse, la trouve endormie ; et tandis que penché sur cette douce image il la contemple avec ravissement, un charme ineffable s’empare de lui ; de ce sein de statue dont le sommeil soulève les ondulations voluptueuses, des parfums enchantés s’exhalent ; il croit rêver, et comme, de plus en plus attiré vers le centre magique, il va pour effleurer de sa lèvre brûlante l’albâtre veiné d’azur de cette peau divine, tout à coup un nouveau prodige l’arrête. Entre la perle suspendue à l’oreille de la déesse et le diamant qui rayonne à son col, de mystérieux dialogues s’engagent, et d’abord les causeries commencent par l’éloge de la douce princesse à laquelle on appartient. Gardienne vigilante de cette avenue que prennent les aveux galans pour s’insinuer dans le cœur, la perle raconte combien est insensible aux flatteries des gens la superbe beauté que chacun divinise. À ces déclarations, d’intimes confidences succèdent. La pauvrette souffre bien un peu de se voir reléguée de la sorte à l’extrémité d’un corps si suave et si pur, vrai paradis d’amour ; elle a fini, cependant, par en prendre son parti, heureuse en se balançant de saisir au passage tout ce qu’elle peut attraper, heureuse surtout, lorsque sa maîtresse croit se livrer, sans témoin, aux soins de sa toilette, de contempler d’un œil fripon dans le miroir des trésors de beauté que le monde ignore. Néanmoins le diamant, lui, est plus fortuné : placé dans le voisinage du cœur, il interroge à loisir chaque pulsation de cette vie aimante. Vous connaissez l’histoire de ces émeraudes qui se fendent en éclats, de ces rubis qui pâlissent pour une mauvaise pensée venue à celui qui les porte. Dieu merci, notre diamant n’a rien à craindre de pareil ; il entend les silencieuses pensées, voit poindre les plus secrets désirs, sans que jamais nulle ombre fâcheuse, nulle dissonance l’affecte. De parole en parole on en arrive à se demander