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il fallut prendre un parti, la chose fut aisée ; il se classait de lui-même. Sa position était bien celle du williamite, partisan de la nouvelle dynastie. Le gentilhomme campagnard dont les aïeux n’avaient donné aucun gage aux Stuarts, et qui ne comptait pas de puritain dans sa famille, n’avait d’autre drapeau à suivre que celui des whigs et de Guillaume ; c’est ce que fit Robert quand son mariage et la mort de son père lui eurent permis de manifester une opinion. Jusque-là il s’était beaucoup mêlé de fermage, de chasse, d’agriculture, et d’amours champêtres assez inconstans. Une fois marié, il ne renonça pas à cette habitude, négligea sa femme, courut le monde, ne s’inquiéta pas d’honorer ses erreurs amoureuses par la fidélité ou la délicatesse des choix, permit à lady Walpole d’en faire autant, lui donna un amant de sa main, ou le lui laissa prendre, et, se sentant la conscience en paix de ce côté, ne s’occupa désormais que de ses voluptés faciles et de son ambition très énergique. Bolingbroke se conduisait de même, mais il fut cruellement accusé ; Walpole le whig mena sans encombre la vie la plus débordée, jusqu’au moment du moins où il devint ministre. Alors on ne lui pardonna rien.

Fils cadet et devenu maître, en 1700, par la mort de son frère aîné, de la fortune et du titre paternels, il entra au parlement et s’attacha à prouver deux choses, sa capacité pour les affaires et son attachement au whiggisme. Le vieux Marlborough, dans une de ses dépêches, dit « qu’il tournait la meule comme un chien, doggerdly. » Rien ne sert mieux le succès, même chez les sots, que cette doggedness, cette persévérance du chien de meute qui suit sa piste, et dont les Anglais ont si bien compris le pouvoir, qu’ils en ont fait un mot expressif. Walpole n’était pas un sot ; cependant il lui fallut cinq ans d’apprentissage sur les bancs de la chambre, dans les comités et dans les bureaux. Du talent d’orateur comme du talent d’écrire, il faisait peu de cas ; mais personne ne marchait plus fièrement et d’un pas plus régulier avec le bataillon whig, avec Marlborough, Stanhope et les autres ; personne n’était plus assidu, ne donnait plus résolument son vote et ne se trouvait plus hardiment planté sur la brèche. Ses amis le placèrent d’abord au conseil de l’amirauté, puis le firent secrétaire de la guerre ; il lui fallait quelque chose de plus. Il n’était pas très riche ; les alliances et les connections lui manquaient. Il combla ces vides par le grand moyen des hommes politiques qui veulent arriver il appela sur lui la persécution, — il l’obtint.

Le parti bourgeois et protestant auquel il appartenait de toute façon, par le caractère, la position et la fortune, le whiggisme, se