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l’exemplaire des Essais à la marge duquel Montaigne avait préparé une nouvelle édition complètement refondue de son ouvrage inimitable apprécieront d’autant plus le respect des amateurs pour les marges d’un livre, que ce précieux volume a été horriblement mutilé, dans ces derniers temps par le fer d’un détestable relieur.

Cette nouvelle édition de Diophante, que les géomètres mettent tant d’empressement à se procurer aujourd’hui, n’eut aucun succès en France au moment où elle parut. Les exemplaires ne trouvaient point d’acheteurs, et Samuel Fermat chercha vainement à faire quelques échanges avec les libraires de Paris. Cela résulte des premières lettres adressées à Samuel Fermat par Justel, qui ajoute pourtant : « Tous les Anglais qui sont ici en cherchent. Vous m’obligerez de me faire savoir où on en pourra trouver, afin que je le leur enseigne. Le nom de monsieur votre père est en si grande vénération en ce pays-là, que tout ce qui vient de lui est recherché avec empressement. On me prie de savoir si vous ne donnerez pas dans quelque temps le reste des ouvrages dont M. Carcavi a la plus grande partie et M. Thoinard aussi. »

Samuel Fermat n’avait pas besoin de stimulant pour songer à une telle publication, et la suite de cette correspondance prouve qu’il mit tout en œuvre pour rassembler les manuscrits de son père et pour trouver un mathématicien capable de surveiller l’édition d’un ouvrage qui avait besoin d’être revu avec d’autant plus de soin, que l’auteur était mort sans rien préparer pour l’impression, ne laissant guère que des notes et des brouillons. Tantôt Fermat s’adresse à Bouillaud, astronome et érudit fort connu, pour qu’il veuille se charger de la publication de ses écrits ; tantôt il fait prier Carcavi de diriger cette édition, et de la placer sous le patronage de l’Académie des Sciences que Louis XIV venait de créer. Malheureusement ces tentatives n’eurent aucun succès : Bouillaud commence par accepter, et refuse ensuite ; Carcavi hésite, et l’Académie reste indifférente. Bref, personne ne veut s’en charger en France. Justel écrit alors à Fermat : « N’ayant trouvé personne ici qui veuille prendre le soin de l’impression des ouvrages de monsieur votre père, j’ai eu recours aux étrangers. Il y en a plusieurs en Angleterre qui sont très capables, qui se chargeront de l’impression et de la correction, si vous voulez bien les leur confier. Ils ont tant de vénération et d’estime pour tout ce qui porte votre nom, qu’il n’y a rien qu’ils ne fassent. Si vous jugez à propos de les laisser sortir du royaume, mandez-le-moi et tout ce que vous désirez que je fasse. »