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transcendante, et, en particulier, par Bachet de Meziriac. Dans la seconde édition d’un ouvrage intitulé : Problèmes plaisans et délectables, et imprimé à Lyon en 1624, il donna une méthode pour résoudre généralement certaines équations qu’on appelle indéterminées du premier degré, et fit faire ainsi à cette branche des mathématiques un progrès digne d’être signalé. Par une rencontre singulière, cette méthode coïncide avec celle qu’Aryabhatta, géomètre hindou très ancien, avait trouvée.

Quoique fort intéressans, les travaux de tant de mathématiciens divers sur la théorie des nombres furent complètement éclipsés par les découvertes de Fermat, qui, à l’aide de méthodes aussi nouvelles que fécondes, changea complètement la face de cette branche si difficile des mathématiques. Il paraît que les recherches de Frenicle, qui résolvait sans le secours de l’algèbre et avec une grande adresse les questions les plus difficiles sur les nombres entiers, excitèrent l’émulation de Fermat. En effet, dans une lettre que celui-ci écrivait au père Mersenne, et dans laquelle il disait : Je ne fais que commencer, il lui parlait de Frenicle comme d’un homme très habile dans cette branche des mathématiques. Cette lettre contient le théorème important qui a gardé le nom de Fermat, et qui semblait à l’inventeur devoir le conduire à des résultats remarquables. Mi par di veder un gran lume! ajoutait-il à ce propos en italien au instinct de géomètre ne le trompait pas ; il avait vu effectivement une grande lumière, et, à partir de ce jour, il ne cessa de cultiver, avec une prédilection marquée, cette théorie des nombres à laquelle il attacha indissolublement son nom.

De toutes les branches des mathématiques, la théorie des nombres est celle dont il est peut-être le moins difficile de donner quelque idée aux personnes du monde. Les énoncés des questions les plus simples relatives à cette théorie peuvent souvent s’expliquer assez clairement et ont été parfois compris dans ce qu’on appelle les jeux de société. Supposons, par exemple, qu’une maîtresse de maison, ayant du monde à dîner, dise à sa cuisinière qu’elle veut dépenser soixante francs, ni plus ni moins, pour son rôti, et qu’il faut que ce rôti se compose à la fois de bécasses, de perdreaux et de mauviettes, de manière qu’il y ait soixante en tout de ces animaux. La cuisinière se rend au marché et là elle trouve que les bécasses valent trois francs pièce, qu’un perdreau vaut deux francs, et qu’on lui donne cinq mauviettes pour un franc. Le prix est invariable, il n’y a rien à rabattre. Voilà notre cuisinière bien embarrassée : l’ordre qu’elle a reçu est positif ; elle ne