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Fermat a un autre titre à notre admiration. Il est le seul qui, dans une branche importante et difficile des mathématiques, ait su à certains égards aller plus loin que ses successeurs.

Tout homme qui a étudié un peu d’arithmétique sait ce que sont les nombres entiers et les nombres fractionnaires. Dans les élémens des mathématiques, on rencontre ces nombres qui sont d’un emploi continuel pour tous les usages, de la vie, et qu’on abandonne bientôt dès qu’on pénètre plus avant dans l’algèbre. Après avoir étudié les diverses branches des mathématiques, on retrouve de nouveau, aux limites, pour ainsi dire, de la science, les nombres entiers et les fractions, dont certaines propriétés, fort difficiles à découvrir, constituent une sorte d’arithmétique transcendante, qu’on appelle théorie des nombres. Cette théorie a de tous temps occupé les géomètres ; elle paraît même avoir précédé partout l’algèbre proprement dite. Les Grecs s’y appliquèrent de bonne heure. Pythagore résolut des questions de cette nature, et tout semble indiquer qu’Archimède lui-même cultiva ce genre d’arithmétique. Le génie curieux et subtil des Grecs devait se plaire dans ces recherches, qui devinrent presque populaires chez eux, et qui exercèrent même l’imagination des poètes, comme le prouvent certaines épigrammes de l’Anthologie. L’Arithmétique de Diophante, géomètre alexandrin qui vivait probablement vers le milieu du IVe siècle de l’ère chrétienne, renferme une foule de problèmes difficiles résolus avec une sagacité d’autant plus remarquable, que les méthodes algébriques étaient alors tout-à-fait dans l’enfance.

À une époque reculée, d’autres peuples paraissent avoir cultivé avec une grande prédilection cette haute arithmétique, et l’on sait que Brahmegupta, qui vécut dans l’Inde un siècle avant Charlemagne, avait résolu des questions relatives à la théorie des nombres, qu’on n’a traitées en Europe avec le même succès qu’après la mort de Newton Les Indiens, dans cette science, avaient fait un tel progrès que si, lorsque les Portugais allèrent s’établir en Orient, ils eussent traduit certains poèmes mathématiques composés en sanscrit depuis long-temps, cette branche de l’algèbre aurait reçu en Europe un notable accroissement. Les Arabes ne négligèrent pas la théorie des nombres, et les premiers Européens qui transportèrent l’algèbre chez nous cultivèrent avec succès cette théorie ; Quelques fragmens d’un ouvrage composé au commencement du XIIIe siècle par Léonard de Pise sur cette matière prouvent que, dès cette époque, les chrétiens s’appliquaient avec succès à la théorie des nombres. Plus tard, Diophante fut traduit et commenté par différens géomètres qui cultivèrent l’arithmétique