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que Dante a placé au commencement de son admirable chant de Sordello, une dissertation sur la probabilité d’amener certains points en jouant aux dés ; mais ces recherches, qu’on peut rattacher à ce que la théorie des combinaisons offre de plus simple, ne constituaient pas encore le calcul des probabilités. Galilée, qui de près ou de loin a touché à toutes les questions que les sciences physiques et mathématiques pouvaient présenter de son temps, s’est occupé d’un problème qui forme à lui seul un chapitre important de la théorie des probabilités, savoir de la détermination et de l’influence des erreurs dans les observations. À propos du prix d’un cheval, ce grand esprit s’est demandé s’il fallait estimer l’influence de l’erreur d’après la différence arithmétique ou d’après le rapport géométrique, et si par exemple un homme qui estimerait cinquante écus un cheval qui en vaudrait réellement cent se tromperait autant que celui qui l’estimerait cent cinquante, ou qu’un autre qui en porterait le prix à deux cents écus. Galilée se prononce pour la progression géométrique : un homme qui évalue une chose la moitié de ce qu’elle vaut se trompe, dit-il, autant que celui qui l’estime le double de sa véritable valeur. C’est là une question très délicate : ordinairement, en prenant la moyenne d’un nombre considérable d’observations, on suppose que les erreurs doivent être rangées en progression arithmétique ; mais il est très vraisemblable que cette pratique est parfois inexacte, et que, du moins dans certains cas, Galilée avait raison.

Ces problèmes, résolus seulement par quelques personnes, n’avaient guère excité l’attention des géomètres : les solutions étaient peu connues, et chaque fois il fallait les recommencer. Aussi voit-on Pascal et Fermat, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, s’occuper d’abord de ces questions relatives aux combinaisons que Galilée aussi avait déjà traitées ; bientôt, cependant, un problème proposé à Pascal par le chevalier de Meré, joueur fort adroit, porta l’illustre auteur des Provinciales à établir la règle des partis, d’après laquelle il faut partager l’enjeu entre différentes personnes qui, n’ayant pas le même nombre de points, veulent quitter le jeu avant que la partie soit terminée. Voici la question la plus simple résolue à ce sujet par Pascal.

Si deux personnes jouent à un jeu quelconque, de manière que les chances soient égales des deux côtés, et avec la condition que celui qui gagne le premier trois parties prend tout l’argent qui est au jeu, comment faut-il partager cet argent, en supposant que la mise de chacun soit de trente-deux pistoles, et qu’on veuille quitter le jeu lorsque l’un des joueurs a une partie et l’autre deux ?