Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/690

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en 1814 dans l’Edinburgh Review, au sujet de la Théorie analytique des Probabilités, par Laplace, donne le mot de ce changement de tactique. Tant qu’on n’avait à discuter que les droits de Leibnitz, on pouvait les méconnaître ; mais, dès qu’un concurrent français se présente avec des titres incontestables, Newton et Leibnitz s’embrassent, et l’Angleterre se ligue avec l’Allemagne contre la France. De l’autre côté du détroit, on a toujours mis habilement en pratique le système des coalitions.

C’est par incident seulement que, dans sa Théorie des Probabilités, Laplace a rendu ce jugement si honorable pour Fermat. Dans cet ouvrage, l’illustre auteur de la Mécanique céleste a dû plus particulièrement s’arrêter aux recherches de Fermat sur le calcul des probabilités, dont on peut dire qu’il a été avec Pascal l’un des inventeurs. Depuis long-temps on s’était appliqué à déterminer, soit par les combinaisons, soit en prenant les moyennes d’un grand nombre d’observations, quelques élémens qui dépendent de la théorie des probabilités. Une loi du Digeste relative à une question alimentaire prouve que les Romains avaient recherché quelle est, à différens âges, la durée moyenne de la vie humaine. Nous dirons en passant que, quoique nécessairement imparfaites, quand on les compare aux résultats obtenus par la statistique moderne, ces premières données numériques consignées dans le Digeste annoncent que la durée moyenne de la vie des hommes a diminué (dans certaines parties du moins de l’Europe) depuis les Romains jusqu’au moyen-âge, et qu’elle a augmenté de nouveau dans les derniers siècles, de manière à suivre assez régulièrement la marche de la civilisation. Les compagnies d’assurances maritimes établies dans les républiques italiennes du moyen-âge font supposer aussi qu’on avait déterminé, d’une manière approximative du moins, la probabilité que le bâtiment assuré se perdrait ou arriverait au port. L’instinct des joueurs habiles dut les porter de tout temps à rechercher dans les jeux de hasard quels sont les coups plus ou moins probables, et l’on trouve des traces de ce genre de recherches dans des ouvrages où l’on ne devrait pas s’attendre à voir traiter des questions relatives au calcul des probabilités. La Vieille (de Vetula), poème en latin barbare, qu’on a eu l’audace d’attribuer à Ovide, renferme à côté des obscénités les plus révoltantes des problèmes relatifs aux combinaisons qu’offrent certains jeux. Dans un ancien commentaire sur la Divine Comédie, on lit à propos de ce vers :

Quando si parte il gioco della zara,