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dans une sorte d’arrière-pensée l’historien futur de cette époque intermédiaire, sur laquelle il avait déjà certainement médité. Il relève encore chez Mme de Staël quelques inexactitudes de détail sur la littérature et la langue italienne ; il croit que les Italiens pourraient avec raison réclamer contre le jugement un peu rapide qu’elle porte sur quelques productions célèbres de leur littérature, entre autres sur l’Aminta ; à la façon discrète et sûre dont Fauriel touche ces questions relatives à la langue italienne, on sent le Français qui peut-être la possédait le mieux, dans ses nuances, celui que Manzoni, jeune, allait connaître et adopter pour son arbitre chéri, celui que Monti lui-même, arrivé au faîte de la gloire, devait consulter. Lorsqu’il en vient à la seconde partie de l’ouvrage de Mme de Staël, à la partie plus directement philosophique, Fauriel laisse percer, à travers la réserve de son analyse, ses convictions de philosophe et son culte assez fervent d’ami de la vérité. Le jeune secrétaire de Fouché, qui cite avec prédilection Mme de Staël parlant du beau moral, ne craint pas non plus de mettre le doigt sur d’autre points périlleux : « Mme de Staël, dit-il à propos du chapitre qu’elle consacre à la philosophie, paraît avoir bien senti les difficultés réelles de son sujet ; peut-être en a-t-elle senti plus vivement encore les inconvéniens, relativement aux circonstances actuelles. » Et dans les pages qui suivent, il prend en main la cause de la philosophie moyennant des considérations qui ne sont nullement vulgaires et qui répondaient à merveille aux attaques du moment. Il voudrait faire comprendre aux détracteurs de la philosophie, à ceux qui sont amis du pouvoir nouveau (et il y en avait beaucoup dans ce cas), que peut-être ils vont contre leur but dans cette proscription un peu aveugle.


« Au surplus, dit-il à leur adresse, que gagneraient les ennemis de la philosophie à comprendre exclusivement sous cette dénomination les idées qui répugnent à leurs préjugés ou à leurs intérêts ? Rien ; car ils ne pourraient manquer de s’apercevoir alors que plusieurs opinions, essentiellement philosophiques, sont aujourd’hui consacrées par quelques institutions sociales ; que plusieurs idées journellement attaquées comme des abstractions vides de réalité ne sont que des conséquences plus ou moins immédiates de quelques principes de philosophie devenus des principes de politique. Dès-lors, s’en prendre à certaines idées serait attaquer certaines institutions ; se permettre certaines discussions, ne serait plus argumenter Contre des philosophes, mais bien contre des gouvernemens…

« S’ensuit-il de là que nous regardions la garantie de la puissance comme une condition de la vérité ? Non, sans doute. Nous seulement que la