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avec éclairs, et comme on irait à la conquête de l’avenir. À côté et en face du groupe où se détachaient les noms de Chateaubriand de Bonald, il s’en formait un, au sein même du parti philosophique, un autre groupe bien remarquable et bien fécond d’idées, qui, pour mieux continuer ce parti déjà vieux, méditait à son tour de faire divorce avec lui. Benjamin Constant et Mme de Staël, transformant ingénieusement le siècle accompli et s’essayant à le rajeunir, allaient semer les aperçus et pousser la découverte, en bien des sens et sur bien des voies. Ces premiers essais, ces éclats brillans, un moment interrompus ou contrariés par le despotisme de l’Empire, devaient, quelques années après, porter fruit et donner en plein leurs conséquences. Dans toutes les branches de la pensée, dans toutes les directions de I’étude et de la connaissance humaine, on vit bientôt, aux premières heures de soleil propice et de liberté, des produits heureux, originaux, attester la fertilité du champ ouvert et l’efficacité de l’entreprise. MM. Guizot, Augustin Thierry, et d’autres après eux dans l’explication ou le tableau des époques reculées. M. Victor Cousin dans l’intelligence historique des philosophies, M. Raynouard dans le défrichement des littératures du moyen-âge, donnèrent le signal aux générations ardentes et dociles. Qu’est-il besoin de prolonger l’énumération de ce qui nous est si présent ? on eut bientôt dans tous les sens une émulation d’études et un concert d’efforts qui constituèrent une époque littéraire tout-à-fait nouvelle et distincte par l’esprit comme par les résultats de ce qu’avait été et de ce qu’avait produit le XVIIIe siècle ; on eut le XIXe siècle en un mot. Or, entre ces deux régimes intellectuels, sorti du cœur de l’un, tenant aux origines et à la formation première de l’autre, il y eut un esprit précoce, sagace, infatigablement laborieux, qui, sans faire éclat et rupture, sans solution apparente de continuité, mais par voie de développement et de progression paisible, silencieuse, résuma en lui presque tout ce travail intérieur et nous permet de l’étudier comme dans un profond exemple. M. Fauriel, car c’est de lui qu’il s’agit, nous représente le XVIIIe siècle devenant naturellement le XIXe, le devenant avec énergie, avec simplicité, avec originalité. Parti du XVIIIe en ce que ce siècle avait conservé de plus entier et de plus vital, il pénètre tout d’abord au XIXe en ce que celui-ci a de plus neuf, de plus particulier et de plus distinct. En parlant de la sorte, nous ne le surfaisons à l’avance en rien, et le lecteur va juger tout à l’heure par lui-même de l’exactitude de notre jugement. M. Fauriel, l’élève et le rejeton, ce semble, de la Société d’Auteuil, l’ami filial de Cabanis, sera le devancier, l’initiateur