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Cependant qu’était devenu l’enseignement des écoles ? Le maître Pierre ennuyé, dégoûté, n’y paraissait plus qu’à regret. À peine lui restait-il quelques heures de jour pour les donner à l’étude. Quant à ses leçons, il les faisait avec négligence et froideur ; il répétait d’anciennes idées, et ne parlait plus d’inspiration. Revenu un simple récitateur, il n’inventait plus rien, ou s’il inventait quelque chose, c’étaient des vers et des vers d’amour. Il paraît qu’il en composa beaucoup en langue vulgaire, ou, comme on disait alors, barbare ; ces chansons étaient vraisemblablement dans le goût des trouvères, dont il fut un des premiers en date, ou, si l’on veut, le prédécesseur. À tous ses talens, à toutes les initiatives de son esprit, il faudrait donc ajouter celle de la poésie nationale. Chose plus singulière ! il laissait ses chansons d’amour se répandre au dehors et courir la ville et le pays ; long-temps après cette époque, elles se retrouvaient encore dans la bouche de ceux dont la situation ressemblait à la sienne ; car il devint de bonne heure le patron des amoureux, et il avait « du talent pour les vaudevilles, » dit un bénédictin qui a écrit sa biographie. Ainsi l’aventure qui aurait dû rester le touchant mystère de toute sa vie devint un bruit public et passa de son aveu et par degrés à cet état de roman populaire qu’elle a conservé jusqu’à nos jours. Il y avait dans cet homme quelque chose de l’insolence de ces natures faites pour le commandement et la royauté. Il posait sans voile devant la foule ; il semblait penser que tout ce qui l’intéressait devenait digne de l’attention générale, que ses actions surpassaient le jugement commun, et que tout en lui devait être donné comme en spectacle au monde.

La désolation fut grande parmi les écoliers, lorsqu’ils s’aperçurent de la préoccupation qui leur enlevait leur maître. Ils assistaient avec tristesse à ces leçons inanimées que leur donnait encore celui dont l’ame était ailleurs. Il leur semblait l’avoir perdu, et quelques-uns ne pouvaient voir sans alarmes ce que tous voyaient avec douleur. Il est impossible que les ennemis secrets d’Abélard n’en ressentissent pas une joie égale, mais ils ne la montraient pas ; et telle était alors sa puissance ou la liberté des mœurs, qu’il ne paraît pas que le bruit de son aventure lui ait beaucoup nui dans les premiers temps, ni qu’on ait songé à la tourner contre lui. Il était clerc ; nous savons qu’il portait le titre de chanoine ; on a même cru, bien que sans preuve, qu’il était déjà prêtre. Mais dans le relâchement et la rudesse du moyen-âge, le dérèglement ne faisait un tort sérieux qu’au jour où il devenait l’occasion de quelque violence. Or ici rien de semblable ; l’aventure était publique ; on en parlait, on la chantait dans Paris. Nul ne l’ignorait, hormis, bien entendu, le plus intéressé à la savoir. Dans