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qu’accélérer une affreuse catastrophe, en exaspérant les révolutionnaires français et en donnant au meurtre qu’ils préparaient l’apparence d’un acte d’indépendance nationale. Aussi les propositions de Fox et du marquis de Lansdowne, combattues par Pitt et par lord Grenville, n’eurent-elles pas de suite.

Aucune des idées mises en avant par l’opposition ne pouvait plus être acceptée. Le succès de toutes les demandes faites par le gouvernement pour déjouer les complots révolutionnaires était, au contraire, assuré d’avance. Pitt ayant présenté un projet qui donnait temporairement au ministère le droit d’expulser les étrangers suspects, ce projet, si contraire à la tendance générale des institutions anglaises, trouva des défenseurs zélés parmi les hommes même qui, en tout autre temps, y eussent vu une conception odieuse de la tyrannie, et Fox put à peine rallier quelques voix pour le repousser. C’est ce fameux alien-bill, souvent renouvelé depuis.

Le crime dont la douloureuse attente tenait l’Europe en suspens venait de s’accomplir. Le 21 janvier 1793, la tête de Louis XVI était tombée sur l’échafaud. Ce sinistre évènement mit fin aux négociations qui se suivaient encore entre la France, l’Angleterre et la Hollande. M. de Chauvelin, que le cabinet de Londres considérait comme un instrument de la propagande jacobine plutôt que comme un agent diplomatique, reçut l’ordre de sortir d’Angleterre dans le délai de huit jours ; Maret, qui revenait en ce moment de Paris, chargé de faire de nouvelles ouvertures, dut se rembarquer immédiatement. Les ministres mirent sous les yeux des chambres la correspondance qui avait précédé cette rupture. Enfin, un message royal joint à cette communication, en annonçant des armemens considérables, réclama le concours du parlement pour protéger la sécurité et les droits du pays, soutenir conformément aux traités les alliés de la Grande-Bretagne, et arrêter les projets ambitieux de la France.

Quatre jours après, le 1er février, la chambre des communes s’étant réunie pour délibérer sur ce message, Pitt prit le premier la parole. Il commença par exprimer, avec une grave et douloureuse éloquence, l’indignation universelle qu’inspirait l’acte sanglant de la convention. Montrant dans ce forfait la conséquence fatale de ces théories absolues auxquelles la France s’était livrée avec une si funeste confiance, il en prit occasion de vanter la sagesse de la constitution anglaise, si pratique, si heureusement pondérée, si conforme aux lois de l’esprit humain. Il traça ensuite, pour justifier les dernières mesures du cabinet britannique, un tableau complet de la politique du gouvernement français, travaillant, malgré ses promesses solennelles, à propager au dehors