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politique, et qu’il y serait parvenu si les artifices de ses adversaires n’avaient réussi à égarer l’esprit public. Dans le cours de ces débats, plusieurs fois repris sous diverses formes et toujours terminés par la défaite éclatante de l’opposition, Pitt trouva un éloquent auxiliaire dans le jeune Jenkinson, qui venait d’être élu pour la première fois au parlement, et qui, sous le nom de lord Hawkesbury et de lord Liverpool, devait jouer, par la suite, un si grand rôle.

Malgré tous les motifs d’inquiétude que présentaient dès-lors la situation générale de l’Europe et jusqu’à un certain point l’état moral de l’Angleterre, la prospérité matérielle était si complète dans le royaume-uni, que le gouvernement, par un entraînement trop ordinaire, se persuadait presque qu’elle était à l’abri de toute atteinte. Le discours du trône avait témoigné une entière confiance dans le maintien de la paix, et exprimé l’espoir qu’on pourrait réduire les forces de terre et de mer. Pitt, quelques jours après, vint présenter à la chambre des communes un de ces exposés financiers qu’il aimait à tracer, parce que jusque-là ils avaient toujours été pour lui de véritables chants de triomphe. C’était la dernière fois qu’il devait lui être permis d’offrir de tels résultats à l’admiration de ses compatriotes. Il montra le revenu public en progression croissante, s’élevant déjà à près de 17 millions sterling, tandis qu’à la fin de la dernière guerre il n’allait pas au-delà de 13 millions, et dépassant le niveau des dépenses ordinaires non-seulement du million destiné à l’amortissement, mais encore de près d’un demi-million qu’il proposa de consacrer en partie à la diminution de la dette, en partie à la suppression de certaines taxes onéreuses surtout aux classes pauvres. Il établit que, dans l’espace de neuf années, la somme des échanges avec l’étranger avait doublé, tant pour les importations que pour les exportations. Expliquant avec une lucidité admirable les causes de ces étonnans progrès, il fit voir que si l’esprit d’entreprise et d’industrie qui caractérise le peuple anglais, si l’invention des machines et l’amélioration du crédit y avaient eu une grande part, l’action du pouvoir n’y avait pas moins contribué en ouvrant au commerce de nouveaux débouchés, particulièrement au moyen du traité conclu avec la France, en maintenant la paix au dehors, et au dedans l’ordre et la tranquillité sous un régime doux, régulier, vraiment constitutionnel, qui conciliait la liberté avec la soumission à la loi. Il en conclut que par raison et par intérêt, comme par affection et par devoir, il fallait s’attacher fortement à la constitution, source de tant de biens. S’abandonnant avec complaisance aux prévisions flatteuses des résultats que pourrait donner la prolongation de la paix pendant