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anglaise et le sultan de Mysore, le célèbre Tippo-Saïb. Vainement l’Angleterre s’était efforcée de mettre elle-même des bornes à l’extension déjà prodigieuse de ses possessions territoriales ; vainement, par les limites apportées aux pouvoirs du gouverneur et en appelant à ce poste important un homme aussi sage, aussi loyal, aussi habile que lord Cornwallis, elle avait espéré prévenir le renouvellement des hostilités ruineuses qui avaient si long-temps désolé ces contrées. La loi fatale qui ne permet pas à la civilisation européenne de cohabiter en paix avec la barbarie, ni même avec un autre système de civilisation, la loi qui condamne les conquérans à étendre sans cesse le cercle de leurs spoliations, sous peine de mettre en danger leurs acquisitions premières, devait bientôt déjouer toutes les précautions auxquelles on avait eu recours. Au moment même où le président du bureau de contrôle des affaires de l’Inde, Dundas, se félicitait, dans la chambre des communes, de l’aspect plus favorable qu’elles commençaient à offrir par suite de l’établissement d’une meilleure administration et du maintien de la paix, cette paix était déjà rompue. Lord Cornwallis, inquiet des progrès de la puissance de Tippo-Saïb, lui déclarait la guerre sous prétexte de secourir un prince allié de la Grande-Bretagne, qui, comptant sur cet appui, avait lui-même provoqué le sultan. Dans d’autres temps, la France eût probablement secouru le souverain du Mysore ; mais ses préoccupations n’étaient pas tournées alors du côté de l’Inde, et Tippo-Saïb, livré à lui-même, ne pouvait manquer de succomber. Après deux ans de lutte et au moment d’être forcé dans sa capitale, il accepta un traité qui lui enleva la moitié de son empire.

La chambre des communes élue au commencement du ministère de Pitt venait de terminer sa carrière ; elle avait été dissoute, suivant l’usage, un peu avant l’expiration de son mandat septennal, et les élections, en renouvelant les pouvoirs de la plupart de ses membres, avaient prouvé que le cabinet continuait à jouir de la confiance publique. A l’ouverture du nouveau parlement, dans les derniers jours de 1790, la première question qui fournit aux partis l’occasion de se mesurer fut celle du traité récemment conclu avec l’Espagne. Par cela seul que toutes les concessions n’étaient pas du côté du cabinet de Madrid, et que celui de Londres en avait fait aussi quelques-unes, l’opposition devait trouver que l’arrangement, au lieu de donner à l’Angleterre la réparation qu’elle avait droit d’exiger, constituait un acte d’humiliante condescendance. C’est, en effet, le thème que Fox crut devoir soutenir ; mais Pitt n’eut pas de peine à en démontrer la