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sans porter aucune atteinte, ou peut-être même en donnant une activité nouvelle à l’esprit qui les avait élevés. Quand il ne resterait plus, à cette heure, aucun monument pour attester que les arts furent conservés en Égypte sous les trois dynasties nationales comme sous la première dynastie persane, l’histoire, dont je viens de réunir les traits, suffirait pour établir qu’il en fut ainsi ; mais une foule de monumens viennent confirmer son témoignage, en montrant que les rois égyptiens ont profité de leur indépendance pour construire, terminer, réparer des temples, élever des obélisques et des colosses, et que ces ouvrages ont conservé presque le même caractère et le même mérite que ceux des anciennes époques.

Le premier roi Amyrtée a fait exécuter au temple d’El Khargeh, dans la Grande-Oasis, des travaux considérables. Son nom est placé, comme l’observe M. Hoskins[1], dans des situations qui ne permettent pas de douter qu’il ne soit postérieur à celui de Darius, le plus ancien de ceux qu’on y trouve. Un des premiers soins d’Amyrtée, en recouvrant l’Égypte, fut donc de compléter dans l’Oasis de Thèbes les travaux exécutés par les ordres de Darius. C’est qu’en effet un roi égyptien ne pouvait rester en arrière d’un roi persan. On voit aussi que l’importance commerciale de l’Oasis ne lui avait pas plus échappé qu’à Darius.

On s’attend naturellement à ce que la ville de Thèbes elle-même aura dû attirer son attention religieuse ; en effet, son nom est rattaché à des restaurations considérables exécutées dans cette ville. C’est lui qui fit réparer la porte du pronaos du temple du dieu Khons, travail assez mauvais. On lui doit un petit temple dans les ruines du nord à Karnak, dont les bas-reliefs fort élégans avaient été enlevés par M. Mimaut ; enfin un petit temple de Thoth, récemment découvert par M. Prisse, au nord de l’angle nord-ouest de la grande enceinte de Karnak : les sculptures sont de fort bon style. Remarquons que cette différence dans le travail existe aux époques les plus florissantes de l’art, parce qu’elle tient aux individus[2]. C’est par les belles œuvres seulement qu’on peut apprécier une époque. On ne trouve rien à désirer sous ce rapport dans le travail de deux petits obélisques, en basalte noir du grain le plus fin, trouvés au Caire et dessinés dans l’ouvrage de la commission d’Égypte[3] ; ils sont maintenant au British

  1. Visit to the Great-Oasis, p. 101.
  2. Le style de la Table d’Abydos, qui est du temps de Sésostris, m’a paru assez médiocre, lorsque je l’ai vue à Paris.
  3. Antiquités, t. V. pl. 21 et 22.