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beaucoup de talent et de logique, les causes qui pouvaient rendre dangereux, entre les mains d’un régent, des pouvoirs incontestablement utiles entre celles d’un roi. Pitt réfuta les argumens par lesquels on avait combattu l’idée de confier à la reine la garde de son époux ; il s’efforça de démontrer que l’autorité dont elle allait être investie, indispensable pour qu’elle pût remplir convenablement les devoirs qui lui étaient imposés, ne pouvait créer aucun danger au gouvernement de son fils. Quant aux inconvéniens qu’on affectait de voir dans les restrictions mises à la régence, il convint qu’ils auraient quelque réalité, si ces restrictions devaient se prolonger beaucoup ; mais il déclara que, dans le cas où les médecins viendraient à juger moins probable le prompt rétablissement du roi, il serait le premier à proposer de faire disparaître la plupart de ces restrictions.

Ces raisonnemens prévalurent. Les résolutions proposées ayant été successivement adoptées par les deux chambres, des commissaires les portèrent au prince de Galles et lui exprimèrent, au nom du parlement, l’espérance que son dévouement aux intérêts du roi et de la nation le déterminerait à accepter le pénible fardeau de la régence aussitôt qu’un acte formel aurait été voté pour l’application et la mise en vigueur de ces résolutions. Le prince répondit que le sentiment de ses devoirs envers son père et envers son pays et son respect pour la volonté des chambres, l’emportaient dans son esprit sur toute autre considération, que l’exercice du pouvoir serait bien difficile avec de telles restrictions, qu’elles étaient sans exemple, mais qu’il s’y soumettait pour épargner à l’Angleterre les dangers inséparables de plus longs retards, et parce que, d’ailleurs, on avait promis qu’elles seraient seulement temporaires.

Après l’accomplissement de quelques autres formalités jugées indispensables pour régulariser l’action législative du parlement en l’absence de l’autorité royale, Pitt procéda enfin à l’acte décisif dont ces longues délibérations n’avaient été que le préliminaire. Il présenta à la chambre des communes le bill de régence qui développait et transformait en mesures pratiques les principes des résolutions votées quelques jours auparavant. La discussion à laquelle ce bill donna lieu fut plus violente, plus amère encore qu’aucune de celles qui l’avaient précédée. Presque toutes les clauses du bill furent combattues avec acharnement. Burke, dont l’humeur impérieuse s’aigrissait de plus en plus par les progrès de l’âge et les déceptions multipliées d’une longue opposition, se signala par ses emportemens entre tous les adversaires du projet. Il le présenta comme l’œuvre d’une coterie