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faisait dès-lors pressentir une grande catastrophe. Pendant qu’on hésitait, le duc de Brunswick occupa presque sans résistance les Provinces-Unies. Les états-généraux, accablés, rétractèrent la demande de secours qu’ils avaient faite à Versailles, et se soumirent à la restauration complète du stathoudérat. Peu de jours après, l’envoyé britannique auprès de la cour de France remit à M. de Montmorin une note vraiment insultante dans sa feinte modération ; il y était dit que les faits accomplis ne paraissant laisser subsister aucune matière de discussion entre les deux gouvernemens, le cabinet de Londres désirait savoir si celui de Versailles était toujours dans l’intention de donner suite à la notification qui avait nécessité les préparatifs de la Grande-Bretagne, et que s’il en était autrement, rien ne s’opposerait à la cessation des armemens respectifs. M. de Montmorin sembla, dans sa réponse, désavouer le passé et accepta ainsi pleinement l’échec que la France venait d’éprouver. Cinq mois après, un traité signé à La Haye permit d’en apprécier toute la portée : par ce traité, une alliance défensive fut conclue entre l’Angleterre et la Hollande ; l’Angleterre garantit non-seulement le territoire des Provinces-Unies, mais encore la forme de leur gouvernement et l’autorité même du stathouder ; en cas de guerre, les deux états s’engagèrent à ne pas faire la paix l’un sans l’autre ; en matière commerciale, ils s’accordèrent réciproquement les droits de la nation la plus favorisée. En vertu d’un autre traité négocié bientôt après à Berlin, la Grande-Bretagne et la Prusse contractèrent aussi une alliance défensive dont l’objet principal était de maintenir le gouvernement des Provinces-Unies dans son état actuel.

Les conséquences de ces évènemens furent grandes et funestes pour la France. Elles détruisirent en un moment la considération que les succès militaires et diplomatiques du commencement du règne de Louis XVI avaient acquise à son gouvernement, et, en blessant la fierté nationale, ils diminuèrent encore la force, trop insuffisante, qu’il pouvait opposer à l’entraînement des esprits, qui se précipitaient dès-lors vers une révolution. En Angleterre, la joie fut d’autant plus vive que depuis long-temps on n’était plus habitué à de pareils triomphes, et que l’orgueil britannique avait plus d’un affront à effacer. Le parlement s’étant rassemblé le 27 novembre 1787, dans le mois qui suivit la révolution opérée en Hollande sous la protection des cabinets de Berlin et de Londres, le discours du trône fut principalement consacré à rappeler les mesures qui avaient empêché l’intervention française et à féliciter la nation des sentimens unanimes qu’elle avait fait éclater en cette