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cette idée, parce que de tels étalons ne pouvaient se passer du nom de la mesure ou au moins d’une indication numérique. Or, il ne se trouve rien de tel sur les deux vases que l’on connaît. Dans l’un ou l’autre cas, la conséquence historique à tirer des inscriptions serait la même.

J’aperçois là les indices d’une sorte de fusion dans les usages des deux peuples, et cette fusion se manifeste encore, comme je l’ai dit dans mon mémoire inédit sur la croix ansée, parmi les sujets de certains cylindres rares et de bas-reliefs[1], sur lesquels des symboles évidemment égyptiens se mêlent à ceux qui sont propres aux peuples de l’Asie occidentale. La présence de ces symboles doit indiquer que les monumens où ils se trouvent ont été gravés en Égypte même, pour l’usage des Perses ; ce qui permet d’en placer l’exécution dans la première période de cent vingt ans comprise entre Cambyse et Darius Ochus, de 525 à 404 avant notre ère, époque à laquelle, ainsi qu’on l’a vu, l’Égypte recouvra ses rois nationaux, et ne fut plus qu’un pays tributaire de la Perse.

Si donc on découvre un jour d’autres vases de cette espèce portant des noms de rois perses, écrits en hiéroglyphes, on peut, je crois, prédire à coup sûr que ces rois appartiendront à cette première période de la domination persane, et principalement à Cambyse, Darius, Xerxès et Artaxerce Ier, les seuls rois perses dont jusqu’ici les noms ont été trouvés écrits hiéroglyphiquement. Il en sera de même de tout fragment sculpté portant le double caractère persan et égyptien.

C’est là, je pense, la première indication chronologique qu’on ait pu introduire dans la critique de ces monumens si dignes d’intérêt. À ce titre, elle mérite peut-être l’attention des personnes livrées spécialement à l’étude de ces matériaux, encore si obscurs, de l’archéologie et de la philologie asiatiques. Je la soumets à leur examen.

C’est pendant la seconde période, et sous le règne d’Akhoris, que Platon et Eudoxe, vers 390 ou 380 avant notre ère, viennent visiter l’Égypte, et y demeurent trois ans selon les uns, treize ans selon les autres, fréquentant les collèges des prêtres d’Héliopolis, de Memphis et de Thèbes, où ils s’instruisent de ce que les Grecs ignoraient encore, et puisent une foule de notions utiles, mais élémentaires, sur les mathématiques, l’astronomie et le calendrier.

  1. Tel est le fragment trouvé à Suez par le général Dugua, où l’on voit la tête d’un roi persan, avec une inscription cunéiforme et le globe ailé égyptien. (Denon, pl. 124, 3.)