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elle n’espérait certainement pas le faire accepter, mais c’était un moyen de constater les forces des partis. L’amendement fut rejeté à la majorité de 282 voix contre 114.

La première question dont la chambre eut ensuite à s’occuper fut celle de l’élection de Westminster. Fox y avait obtenu le plus grand nombre des suffrages ; mais, sous prétexte qu’il s’était élevé des doutes sur la légitimité des titres d’une partie des électeurs admis à voter, le bailli qui présidait l’élection, refusant de proclamer le candidat élu, avait fait commencer une enquête. Cette enquête ne pouvait manquer de durer au moins plusieurs mois. Un tel procédé, qu’on essayait de justifier par l’interprétation judaïque d’une législation très peu précise, était évidemment l’œuvre de la mauvaise foi ; en admettre le principe, c’était reconnaître aux magistrats chargés de diriger les opérations électorales le droit d’annuler de fait les choix qui leur déplaisaient, et de laisser sans représentans, pendant un espace de temps indéfini, les villes et les corporations hostiles au cabinet. L’opposition dénonça avec indignation une iniquité aussi révoltante : elle demanda que le bailli de Westminster fût sévèrement blâmé, et reçût l’ordre de proclamer, sans plus de retard, l’élection de Fox ; mais les esprits étaient encore trop animés, les passions trop ardentes, pour que la minorité pût espérer d’obtenir justice. La proposition, deux fois présentée, fut deux fois repoussée, en sorte que si l’illustre chef des whigs n’eût obtenu, en même temps que les suffrages de la capitale, ceux d’un bourg obscur, il se serait trouvé exclu du parlement. Le bailli, ainsi encouragé, continua lentement son enquête dérisoire. Neuf mois après, à l’ouverture de la session suivante, cette enquête était encore si peu avancée, qu’on ne pouvait même en prévoir le terme. La majorité eut honte enfin de tant de partialité, et elle se décida à recevoir Fox comme député de Westminster. Pitt se laissa entraîner, en cette circonstance, à partager les passions de son parti ; il défendit jusqu’à la fin avec une opiniâtreté rare la conduite du bailli, et s’exposa ainsi, sans nécessité, à un échec fâcheux.

Bien qu’il ne fût plus possible de se faire illusion sur l’impuissance à laquelle l’opposition était réduite, Burke, dont l’opiniâtreté égalait le génie, eut l’étrange idée de proposer un projet de remontrance à adresser au roi contre la dissolution du dernier parlement. L’inopportunité de la proposition, l’étendue démesurée de cette remontrance, excitèrent l’hilarité de la chambre. Le projet de Burke fut écarté sans division.