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Achæménès qui les commanda. Le pays demeura tranquille durant tout ce règne ; mais ayant appris que Xerxès avait été assassiné, les Égyptiens crurent pouvoir se délivrer de la domination étrangère[1]. En 462, Inaros, roi de Libye, c’est-à-dire d’un petit état indépendant sous la suzeraineté de l’Égypte, et Amyrtée, Égyptien de la race royale, se mettent à la tête d’une insurrection. Avec le secours des Athéniens, ils battent les Perses, et tuent Achraeménès, oncle d’Artaxerce[2]. Une nouvelle armée est envoyée contre eux. Ils succombent en 456, après six ans de résistance. Inaros, trahi par les siens, est mis en croix[3] ; Amyrtée se réfugie dans les marais du Delta, où il résiste encore aux Perses, et Thucydide continue de lui donner le titre de roi.

Cependant quelle vengeance le vainqueur tira-t-il des Égyptiens ? Hérodote nous l’apprend : « Les Perses, dit-il, sont dans l’usage d’honorer les fils de roi, et même de leur rendre le trône que leurs pères ont perdu par leur révolte. On pourrait apporter beaucoup de preuves de cet usage, entre autres ceux de Thannyras, fils d’Inaros, qui recouvra le royaume (celui de Libye) que son père avait possédé, et de Pausiris, fils d'Amyrtée, qui recouvra également les états de son père. Cependant jamais princes n’avaient fait aux Perses autant de mal qu’Inaros et Amyrtée. »

D’après ce témoignage formel, on voit qu’Artaxerce, non-seulement pardonna aux Égyptiens, mais qu’il permit à Amyrtée de régner dans le Delta, et de transmettre ses états à son fils Pausiris (peut-être Petosiris). C’est là un fait capital sur lequel on avait trop légèrement glissé, et qui prouve, ainsi que la conduite de Darius, avec quel ménagement les rois perses traitèrent l’Égypte toutes les fois qu’ils crurent pouvoir le faire sans danger. Cette conduite, du reste, n’a rien d’extraordinaire, car la domination persane ne fut oppressive dans aucun des nombreux pays soumis à l’empire de Cyrus. Ces contrées, comme le dit Hérodote, conservèrent des rois de leur nation ; on leur laissa leurs usages, leurs lois, leur religion, et l’on n’exigea d’elles qu’un tribut assez modéré, puisque de toute l’Égypte et de ses dépendances, qui comprenaient Cyrène, Barcé et le royaume de Libye, les Perses ne tiraient que 700 talens d’argent, sans compter la pêche du lac Moeris, la nourriture en blé des garnisons persanes, et d’autres

  1. Herod., VII, 89, 97. — Diod., XI, 71.
  2. Id., III, 12 ; VII, 7. — Diod., XI, 74.
  3. Thucyd., 1, 110, 112.