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retour du printemps, se réunir en rade de Toulon. Ce système est en partie suivi pour une faible portion de notre marine à voiles. Étendu à un plus grand nombre de navires et surtout aux navires à vapeur de guerre, il tiendrait infailliblement en haleine l’ardeur et l’émulation de nos officiers et de nos matelots. Avant tout, cependant, je le répéterai une dernière fois, il faudrait décréter la conservation des résultats ainsi acquis, la permanence des équipages ainsi formés. Il faudrait plier nos institutions à cet ordre de choses, quelque rebelles qu’elles pussent être à une semblable modification. Il faudrait (et ce sont de plus hautes opinions que la mienne que j’exprime ici) que capitaine, officiers, officiers-mariniers et matelots fussent tous embarqués ensemble, pour quitter le navire le même jour et partager jusqu’au bout la même fortune.

Quand nous aurions ainsi rendu commun aux deux marines ce bénéfice d’une organisation stable, il resterait encore à la marine anglaise un assez grand avantage dans la composition de ses équipages recrutés, par le seul mode des engagemens volontaires, parmi l’élite de sa population maritime. C’est une voie dans laquelle nous ne pouvons songer à la suivre ; toutefois nous pouvons atténuer les inconvéniens d’un recrutement mixte et forcé par des institutions prévoyantes. Celle à laquelle nous devons d’excellens canonniers, et que dirige avec tant de zèle un de nos capitaines de vaisseau les plus dévoués, continuera, nous l’espérons, à recevoir toute l’extension possible, et des institutions analogues nous donneront peut-être un jour de nouvelles spécialités où pourrait se recruter notre maistrance, une bonne mousqueterie utile pour le jour du combat, des timoniers et des gabiers nécessaires pour chaque instant de la navigation. L’armée connaît toute la valeur de ses sous-officiers. L’importance de nos officiers-mariniers est plus grande encore : ils constituent une autorité intermédiaire dont la marine ne saurait se passer, et dont il faudra prochainement améliorer la situation. Tel maître payé aux États-Unis plus de 4,000 francs reçoit à peine chez nous, avec son bâton de maréchal, une solde de 1,100 francs : ce n’est point à ce prix qu’on a des serviteurs capables. Il en résulte que le cabotage enlève à la marine militaire la plupart des matelots qui pourraient former des officiers-mariniers distingués, et qu’il est peu de sujets de mérite qui consentent à s’attacher à une carrière aussi pénible et aussi ingrate. La perspective de devenir officier, ouverte dans la marine comme dans l’armée aux sous-officiers, ne saurait séduire qu’un très petit nombre de personnes, à cause de la rigueur des examens qu’il faut subir avant d’obtenir l’épaulette ; cette perspective même, dût-elle avoir un autre