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précision du tir peut seule faire comprendre la différence des avaries éprouvées par les combattans.

Dans un engagement qui dura à peine une demi-heure, la frégate anglaise la Guerrière, complètement démâtée, eut quinze hommes tués, soixante-trois blessés, et plus de trente boulets au-dessous de la flottaison. Elle coula douze heures après le combat. La Constitution, au contraire, n’eut que sept hommes tués et sept blessés, et ne perdit point un seul de ses mâts. Aussitôt qu’elle eut remplacé quelques manœuvres coupées et changé quelques voiles, elle se trouva en état, de l’aveu même de l’historien de la marine anglaise, de se mesurer avec une nouvelle frégate. La frégate les États-Unis mit une heure et demie à capturer la frégate anglaise la Macédonienne, et la même différence se fit remarquer dans le dommage qu’éprouvèrent les deux bâtimens. La Macédonienne avait eu sa mature en partie brisée, deux canons de sa batterie et tous ceux du pont désemparés ; plus de cent boulets avaient pénétré dans la coque, et plus du tiers de l’équipage avait été atteint par le feu de l’ennemi. La frégate américaine, au contraire, n’avait à regretter que cinq hommes tués et sept blessés ; elle avait tiré soixante-seize coups par pièce, pendant que la Macédonienne en avait tiré trente-six. Le combat de la Constitution et de la Java dura deux heures et fut le plus sanglant de ces trois engagemens de frégates. La Java n’amena que lorsqu’elle fut rasée comme un ponton et eut vingt-deux hommes tués et cent deux blessés. La Constitution ne perdit ni un mât ni une vergue ; neuf hommes seulement furent tués à son bord et vingt-cinq blessés.

Pendant toute la durée de cette guerre, le feu des Américains fut aussi assuré que rapide. Dans des circonstances de mer où le pointage devient par le roulis excessivement incertain, les effets de leur artillerie ne furent pas moins meurtriers que par des temps plus favorables. La corvette le Wasp combattit le brick le Frolic avec une mer énorme, sous une voilure très réduite, et cependant, quarante minutes après le commencement de l’action, quand les deux navires s’abordèrent, les Américains qui sautèrent à bord du brick anglais ne trouvèrent sur le pont, couvert de cadavres et de blessés, qu’un brave homme qui n’avait point abandonné la roue du gouvernail, et trois officiers tout sanglans qui jetèrent leurs épées aux pieds des vainqueurs. Sur quatre-vingt-douze hommes, le Frolic en avait eu cinquante-huit de tués ou de blessés. Ses deux mâts, frappés de plusieurs boulets, tombèrent quelques minutes après que son pavillon eut été amené.

Cette habileté de leurs canonniers ne fut point d’ailleurs la seule