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états une foule d’artistes égyptiens pour travailler aux palais célèbres de Persépolis, de Suse et d’Ecbatane[1], ce qui explique l’influence égyptienne qu’on reconnaît si clairement dans plusieurs sculptures persannes.

Tout annonce donc qu’on a beaucoup exagéré les ravages causés par Cambyse. Selon Strabon et Diodore[2], il avait mutilé les monumens d’Héliopolis et ceux de Thèbes tant par le fer que par le feu. L’emploi du feu est assez peu probable, à moins qu’il n’ait été borné à enfumer les sculptures peintes, car, pour calciner par le feu des constructions massives en grès ou en granit, il aurait fallu des forêts entières, et l’Égypte a toujours manqué de bois. Nous ne pouvons plus savoir quels ravages Cambyse avait exercés à Héliopolis, puisque de toutes les constructions décrites par Strabon il ne reste plus debout qu’un obélisque. Ce qu’il y a de certain, c’est que cet obélisque n’a été ni brûlé ni mutilé.

Quant aux édifices de Thèbes, ils présentent des traces de violence qui semblent accuser la main des hommes ; mais en plus d’un endroit on reconnaît les effets des tremblemens de terre, qui paraissent avoir été un des agens les plus actifs de la destruction de cette ville et de la chute de ses colosses monolithes, qui durent être souvent traversés par des fissures plus ou moins profondes[3]. Il paraît que, sur la fin du règne des Ptolémées, on mettait tous ces ravages sur le compte de Cambyse. Les Égyptiens ne parlaient plus même du dernier roi perse, Artaxercès Ochus, dont les dévastations avaient surpassé celles de Cambyse, ni de Sôter II, qui, pour punir Thèbes d’une révolte, l’avait, dit Pausanias[4], ruinée de fond en comble ; ce qui n’est ni vraisemblable, ni vrai, comme le démontrent les ruines de cette ville[5], car, malgré ces dévastations successives, toutes les parties conservées des monumens de cette ville en présentent peu de traces : les sculptures peintes n’ont été ni effacées ni enfumées. Sauf en un seul endroit, au temple de Khons, à Karnak, on n’y aperçoit nulle trace de feu. Or, c’est par les ornemens qu’auraient dû commencer les mutilations. Détruire les bas-reliefs des temples, en les

  1. Diod., I, 46. — L’historien ne nomme pas Ecbatane ; il dit seulement : et ceux de Medie.
  2. Strab., XVII, p. 805, 816. — Diod., I, 46.
  3. Voyez la Statue vocale de Memnon, p. 23-26.
  4. Paus., I, 9, 3.
  5. M. Champollion-Figeac en a fait la remarque (Annales des Lapides, t. II, p. 227). Il est vraisemblable que ces dévastations se portèrent principalement sur les habitations particulières, et que les édifices sacrés furent épargnés.