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perte de la Martinique et du Canada nous rendait la fable de l’Europe. L’exemple d’ailleurs, surtout l’exemple de l’Angleterre, a toujours été contagieux en France. L’amiral Bing paya de sa tête la prise de Minorque. En ennemi magnanime, le maréchal de Richelieu lui avait donné une marque publique de son estime. A l’imitation de Richelieu, le général anglais, sir Eyre Coote, accordait un témoignage semblable à Lally. Si Bing n’avait pas été fusillé, Lally ne serait pas monté sur l’échafaud.

Nous ayons hâte de terminer ce récit. Le désir d’être utile a pu seul nous engager à l’entreprendre. Rien de plus instructif que le spectacle d’un gouvernement qui arrive à l’anéantissement par la complaisance ; qui, ne sachant à quel parti s’arrêter, sacrifie à ses craintes ou à ses incertitudes les représentans des systèmes les plus opposés. Lally voulut exécuter les plans que La Bourdonnais avait conçus ; Bussy essaya de continuer les entreprises de Dupleix ; tous furent victimes. La Bourdonnais trouva la prison, Dupleix la ruine, Lally la mort. Un seul, Bussy, échappa en partie à ces désastres : bien digne de cette exception, s’il n’avait pas accablé Lally dans sa détresse.

Par un bonheur dont il faut remercier la Providence, de tels souvenirs ne sont pas applicables aux temps présens, encore moins à l’avenir, car il est un degré d’abaissement où, grace à l’infatigable surveillance de l’opinion publique, on ne peut plus voir tomber ni les gouvernemens ni les peuples.


Cte ALEXIS DE SAINT-PRIEST.