de la plus haute distinction, ordonne de faire périr Crésus, s’en repent ensuite, et cependant met à mort ceux qui n’avaient pas exécuté les ordres qu’il regrettait d’avoir donnés. Il s’amuse, comme un enfant, à faire ouvrir les anciens tombeaux pour considérer le visage des morts. Il pénètre dans le temple de Phthah, fait mille moqueries à la statue du dieu, qui avait, dit Hérodote, l’apparence d’un nain, semblable aux figures de Patèques que les Phéniciens mettaient à la proue de leurs navires. On ne sait pas quelle forme avaient ces Patèques ; mais cette figure, qui parut si bizarre à Cambyse, devait être celle de ce dieu nain, si hideux à voir, et à laquelle on donne, depuis Champollion, le nom de Phthah-Sokhari. Ce prince entra encore dans le temple des dieux qu’Hérodote assimile aux Cabires, dont il mit au feu les statues[1].
J’ai réuni tous ces actes insensés de Cambyse pour montrer que ses violences, ses cruautés, ses sacriléges sans motif, qui portent l’empreinte de la folie ou de l’imbécillité, sont d’une époque postérieure à son retour d’Éthiopie. Auparavant, on ne trouve aucun indice q’il eût mutilé les temples ou persécuté la religion égyptienne : d’où il résulte que, sur les trois ans de son règne en Égypte, on peut en retrancher bien près de la moitié, et qu’il ne reste plus qu’environ quinze mois pour cette période, pendant laquelle il put se livrer à sa démence. Or, est-ce dans un si court espace de temps qu’il aurait pu, comme on l’a dit, couvrir l’Égypte de ruines, démolir ces temples si solidement bâtis, ces colosses, qui semblent n’avoir pu être brisés et renversés qu’avec les secours de la poudre ?
On a pensé que la conduite de Cambyse, à l’égard de la religion égyptienne, fut inspirée par le fanatisme religieux, et qu’en sa qualité de sectateur de Zoroastre il devait être porté à détruire tous les vestiges d’une religion qui devait se peser à ses yeux avec les caractères du fétichisme et d’un anthropomorphisme grossier. Cette opinion, qui était celle de Saint-Martin, est peu conforme au récit d’Hérodote. D’une part, ainsi que l’historien le remarque expressément, la folie de Cambyse s’attaqua aussi bien aux Perses qu’aux Égyptiens ; de l’autre, avant les accès causés par ses malheurs, il ne montrait ni éloignement pour la religion égyptienne, ni attachement excessif pour sa propre religion. Il brûla le corps d’Amasis, ce qui était, d’après Hérodote, formellement contraire aux usages religieux des Perses, car ce peuple regardait le feu comme une divinité, et ne permettait pas
- ↑ Hérod., III, 35, 36, 37.