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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 avril 1845.


La discussion de la chambre des pairs sur le régime des colonies a fixé l’attention du monde politique. L’éloquence et le savoir ont brillé dans cette discussion. Des magistrats éminens, des hommes d’état, ont parlé le langage que l’on devait attendre de leur expérience et de leurs lumières. Malheureusement, les principes modérés n’ont pas toujours triomphé dans le débat, et si la plupart des résolutions adoptées par la noble chambre sont dignes de sa sagesse, il en est quelques-unes qui paraîtront contraires à ses habitudes de prudence et d’équité.

Il faut le dire, les préventions du jour ont trouvé trop d’accès à la chambre des pairs dans le cours de cette grave discussion. Un sentiment peu juste et peu politique domine en ce moment beaucoup d’esprits. On s’imagine qu’une loi d’émancipation doit être une loi de défiance et d’hostilité contre les colons ; on croit qu’il faut les frapper, les humilier ; on leur adresse les reproches les plus durs ; on les dénonce au monde civilisé comme des adversaires violens et opiniâtres de tout projet d’émancipation : ce sont là des exagérations regrettables. Sans doute, les colons ne sont pas des abolitionistes fervens, et personne ne peut exiger d’eux qu’ils accueillent avec enthousiasme une loi qui les dépouille ; mais ils ont déjà prouvé plus d’une fois qu’ils savent obéir à l’esprit du temps et aux décrets de la civilisation. Depuis 1830, plusieurs mesures ont été prises dans le but de préparer l’affranchissement des noirs de nos colonies ; qu’ont fait les colons ? Ils ont commencé par murmurer ; puis, peu à peu, ils se sont soumis c’est un fait reconnu par le gouvernement lui-même. Cette soumission lente des colons, ce concours résigné et douloureux qu’ils ont offert, a suffi, jusqu’à présent, pour assurer le succès des réformes décrétées par la métropole. L’extrême