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qu’il tire de son octroi. La perception d’un impôt à l’entrée des denrées et des marchandises usuelles date, nous l’avons déjà dit, du XIIe siècle. Avant 1789, les droits de l’état et ceux de la commune, confondus dans cette même contribution et formant l’une des cinq grosses fermes, produisaient 36 millions environ ; de ce tribut considérable il ne restait sans doute qu’une faible partie à la ville après le prélèvement du trésor public. Fidèle aux doctrines du laisser-passer, l’assemblée constituante abaissa les barrières fiscales, et pendant sept ans, le mouvement des denrées fut libre et gratuit. Ce genre de dégrèvement, séduisant pour l’égoïsme des particuliers, laissait en souffrance trop d’intérêts généraux. On autorisa donc les villes, dont les ressources étaient insuffisantes, à y suppléer par l’établissement d’un octroi. A Paris, la perception recommença le 22 octobre 1798 : elle fut peu considérable à l’origine. Le mur d’enceinte, que les fermiers-généraux avaient entrepris en 1784 pour assurer leurs droits, était resté inachevé en 1789, et avait subi des dégradations considérables pendant les années de troubles. Il y avait de grosses dépenses à faire pour achever, sur un développement de 24,000 mètres, près de six lieues, une muraille élevée de 5 à 6 mètres, bordée au dehors d’un large boulevard planté d’arbres, à l’intérieur d’un chemin de ronde, et percée de cinquante-cinq barrières, avec les grilles et les bâtimens qui en dépendent. Les sacrifices qu’on dut faire pour régulariser le service furent d’ailleurs une excellente spéculation. Le produit qui en résulta ne cessa de s’accroître progressivement. De 10 à 12 millions qu’il fournit à l’origine, il s’éleva sous l’empire à 20 millions en terme moyen, et de 1820 à 1840 à près de 28 millions. Le maximum obtenu jusqu’à ce jour a été la recette de 1843, évaluée à 32,512,763 francs. On a attribué ce résultat aux grands approvisionnemens de vin que les négocians ont cru devoir faire dans la crainte d’une récolte mauvaise et d’une hausse de prix pour l’année suivante. Le produit des boissons figure dans cette somme pour 13 millions, les liquides divers pour 2 millions, les comestibles pour 6 millions, les combustibles pour 5 millions ; les fourrages et les matériaux de construction fournissent le reste.

Ce progrès continuel de l’octroi parisien a été plus d’une fois signalé comme un indice de prospérité croissante. Il nous en coûte de relever cette erreur : la vérité est si triste à dire ! La cause réelle de l’accroissement des recettes, c’est l’augmentation des tarifs. En l’an VIII, les droits d’entrée pour les principaux objets de consommation étaient, comparativement à notre époque, dans la proportion suivante :