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par ses cruautés, et tous les traitants vous diront que dans la baie d’Antongil, près du port Choiseul, au pays des Antavarts, il a poussé, sur le lieu même où fut enseveli un autre chef renommé par ses vertus et sa bienfaisance un magnifique badamier. Vous savez bien, messieurs, que le badamier donne de bons petits fruits en abondance et qu’il étend ses branches comme les bras d’un prêtre qui bénit. Il y a bien des choses encore plus extraordinaires dans cette grande île, où l’on trouve plus de vingt peuples différents, les uns bruts et sauvages, les autres intelligents et susceptibles d’être instruits, ceux-ci crépus comme des Cafres, ceux là coiffés de longs cheveux comme les Hindous de Pondichéry. Quel dommage qu’il soit si difficile de s’y acclimater ! Mais le pays des noirs ne peut convenir aux blancs, et vous voyez que les noirs ne s’accoutument guère à vivre chez nous, puisqu’ils aiment tant à prendre le chemin de la montagne. À force de courir dans les hauts de l’île, ils découvrent à la vérité de jolis endroits, et cette Plaine aux Palmistes d’où nous venions de les déloger serait devenue pour eux un paradis, si on les y eût laissés vivre en paix. Chassés de cette première station, ils se replièrent sur une autre plus élevée, mieux défendue, se promettant sans doute de prolonger notre course de manière à nous ôter le goût de ces expéditions. Tandis qu’ils fuyaient de tous côtés, nous les poursuivions tranquillement, avec ordre, développés sur une ligne battant les buissons, sondant le creux des rochers. La végétation devenait plus rare, le pays plus sauvage. Nous ne rencontrions déjà plus de bois de pomme ; autour des rochers qui s’élèvent en pain de sucre, les bois noirs groupés en touffes serrées, répandaient une ombre abondante ; ces arbres là poussent toujours de compagnie, même au milieu des pierres.

Quand on les voit au flanc des montagnes du fond de la plaine, on les prendrait pour des petites plantes pareilles à celles qui tapissent le devant de cette grotte.

— Comme tous ceux de cette famille si variée et si gracieuse, dis-je au créole, ils se plaisent dans les terres légères ; remarquez comme les feuilles de ce bois noir (qui n’est autre chose que la mimeuse hétérophylle), aussi finement découpées que celles du mimosa de l’Inde, tremblent à la moindre brise. Un vent trop vif les dessécherait ; voilà pourquoi elles s’abritent les unes les autres en formant des berceaux naturels.

— Et ce bois de pomme, que vous me permettrez de nommer tambourissa quadrifida, reprit le docteur, offre un singulier phénomène de fructification. La fleur qui se développe sur le vieux bois, sur le tronc même de l’arbre, a la forme d’un grain de raisin ; elle se