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LES SERMONS


DE


M. LACORDAIRE.




I

A la fin du XVIIe siècle, La Bruyère écrivait déjà : « Le discours chrétien est devenu un spectacle ; on n’y remarque plus cette tristesse évangélique qui en est l’ame. » Ces sévères paroles me reviennent à l’esprit avec une force invincible au moment où je ferme ce livre[1], en me demandant ce que j’ai lu. Non, je n’ai pas lu des discours chrétiens ; non, ce n’est pas ici l’ame de l’éloquence chrétienne, ni l’ame ni la forme. C’est une recherche stérile de l’extraordinaire et du bizarre ; c’est une affectation de méthode, c’est une dialectique prétentieuse et creuse qui couvre mal le vague, le chaos, le néant du fond ; c’est une passion fatigante pour toutes ces idées mal définies, qui, n’ayant ni consistance propre, ni contours arrêtés, se prêtent seules à ces amplifications nuageuses avec lesquelles on ne ravit que les imaginations gâtées ; c’est tout ce que l’on voudra d’étrange ou de pompeux ; ce n’est point assurément la tristesse évangélique, au sens, du moins, que ce mot avait encore dans la langue savante de La Bruyère, un sens bien vrai, et qu’il est fâcheux pour nous d’avoir perdu. Ce

  1. Conférences de Notre-Dame de Paris, par le révérend père Lacordaire, 1 vol. in-8o.