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Le roi n’était pas d’avis de se prêter à ce nouvel essai de rapprochement. Dans une lettre fort remarquable, il expliqua à son ministre les motifs qui lui faisaient penser qu’appuyé par les deux tiers de la chambre des lords, par près de la moitié de la chambre des communes, et, ce qui devenait de plus en plus évident, par le sentiment national, il ne devait pas faire d’avances à une opposition factieuse, de mauvaise foi, et certainement peu disposée à accepter des arrangemens raisonnables. Pitt, bien convaincu que cette opposition ferait échouer la négociation par ses prétentions exagérées, jugea qu’il était bon de lui en laisser l’odieux. Le roi, par son conseil, se résigna, non sans une inexprimable répugnance, à faire remettre au duc de Portland l’invitation écrite de se concerter avec le chef du cabinet, à l’effet de former une nouvelle administration sur une large base, à des conditions honorables et égales. Ce que Pitt avait prévu arriva. L’opposition se crut maîtresse du champ de bataille. Le duc de Portland répondit avec hauteur qu’avant de consentir à la conférence qu’on lui demandait, il avait besoin de savoir ce qu’on entendait par des conditions égales. Pitt répliqua que c’était là précisément la question à traiter lorsqu’on viendrait à s’aboucher. Le duc ayant exigé péremptoirement cet éclaircissement préalable, la négociation fut rompue avant même d’avoir été sérieusement entamée.

Malgré une nouvelle et dernière résolution prise par le comité de Saint-Alban, pour engager les deux parties à laisser de côté ces vaines délicatesses de forme, toute espérance de paix avait disparu. Cependant le roi ne s’était pas encore expliqué officiellement sur l’adresse par laquelle la chambre des communes avait provoqué un changement de ministère. On ne crut pas à propos d’y répondre par un message formel : Pitt annonça verbalement à la chambre que le roi n’avait pas jugé convenable de congédier ses ministres, ni ceux-ci de se démettre de leurs fonctions. La colère de l’opposition fut grande. Un débat très vif s’engagea. Fox, dans un discours où il prit tour à tour, avec une éloquence et une souplesse admirables, le ton de la menace et de la conciliation, où il se replia dans tous les sens pour séduire et entraîner la chambre, pour effrayer ses adversaires et les amener à une capitulation, laissa entrevoir la possibilité d’un refus de subsides. Pitt, sans contester le droit qu’avait la chambre de prendre une telle mesure, s’attacha à prouver combien l’usage d’une faculté si exorbitante serait peu justifié par les circonstances ; il protesta qu’on ne l’amènerait jamais à mendier un portefeuille par une humiliante démission. Une majorité de 208 voix contre 176 donna