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justification assez confuse d’un procédé fort irrégulier en effet. Quant à la question du choix des conseillers de la couronne présenté comme un droit exclusif du roi, Fox soutint hautement que les communes avaient et devaient avoir à cet égard une négative substantielle.

En dehors du parlement le sentiment public, d’abord incertain, commençait à se prononcer énergiquement contre l’opposition. Deux idées que le parti ministériel était parvenu à populariser à l’aide d’une multitude de journaux, de pamphlets, et même de caricatures, celle de l’immoralité de la coalition et celle d’un complot redoutable tramé par Fox et par ses amis pour s’approprier, au moyen de leur fameux bill, la domination et les richesses de l’Inde, excitaient contre eux une indignation mêlée de terreur. On croyait avoir échappé par leur chute à un grand danger, et on tremblait à la pensée de s’y trouver exposé de nouveau, s’ils venaient à triompher dans le parlement. De nombreuses adresses remercièrent le roi du renvoi des ministres de la coalition et de l’appui qu’il donnait à leurs successeurs. Le conseil de la Cité de Londres vota aussi des remerciemens à Pitt, et lui fit remettre des lettres de bourgeoisie dans une boîte d’or en témoignage de reconnaissance pour sa conduite habile, droite, désintéressée, et pour le zèle avec lequel il défendait les droits légitimes de la couronne aussi bien que ceux du peuple. Ce fut le célèbre Wilkes, ce champion émérite de la plus basse démagogie, qui, devenu l’un des officiers principaux de la Cité, porta la parole en cette occasion. Tout flétri encore des sanglantes invectives de lord Chatham, il félicita Pitt de marcher sur les traces de son glorieux père en combattant l’hydre des factions.

Les conciliateurs de Saint-Alban semblaient désespérer du succès de leurs tentatives. Déjà ils ne se réunissaient plus que pour la forme. Un incident survenu dans la chambre des communes réveilla leurs espérances et leur activité. Pitt, pendant le débat engagé sur les délibérations de la chambre des lords, avait donné à entendre qu’il pourrait entrer dans une combinaison ministérielle avec plusieurs de ses adversaires, mais qu’il y avait tel d’entre eux à qui il ne s’unirait jamais. Lord North, qu’il désignait ainsi, déclara noblement que pour lui il ne serait jamais un obstacle à la formation d’un cabinet capable de remédier à la malheureuse situation des affaires publiques. Plusieurs députés, croyant que cette manifestation allait lever tous les obstacles, s’empressèrent d’en témoigner leur reconnaissance à lord North. Le comité de Saint-Alban lui vota des remerciemens et invita encore une fois Pitt et le duc de Portland à se concerter pour organiser un ministère.