Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, suivant lui, eussent jamais déshonoré les annales d’aucun pays. Dundas, qui combattit ensuite le projet, développa le premier une considération qui jusqu’alors avait à peine été indiquée, et qui devait plus tard décider du sort de la question. Il prétendit que la création de la commission toute puissante et à peu près inamovible à laquelle on voulait confier le gouvernement de l’Inde tendait à introduire dans l’état un quatrième pouvoir étranger à la constitution, menaçant pour la couronne, et destiné à perpétuer la puissance politique entre les mains du parti qui, disposant en ce moment du ministère et de la chambre des communes, se trouverait appelé à nommer les membres de cette commission.

Malgré ces vives attaques, malgré les pressantes instances des propriétaires et des directeurs de la compagnie, qui demandaient au moins un délai pour rectifier les fausses notions propagées, disaient-ils, sur leur situation financière, et repousser ainsi la confiscation dont on les menaçait, les deux bills furent votés par la chambre des communes à la majorité de 106 voix, et envoyés aussitôt à la chambre des lords. On pouvait croire que la lutte était terminée. Tout au contraire, elle allait s’engager de nouveau sur un terrain plus favorable aux opposans. Dans le court intervalle qui s’écoula jusqu’à l’ouverture de la discussion devant la chambre haute, ceux-ci ne négligèrent rien pour exciter l’opinion publique contre le projet ministériel. Déjà de nombreux écrits avaient été publiés, dans lesquels on le présentait comme un acte de spoliation, comme une atteinte portée à des droits acquis. De telles objections ont toujours, en Angleterre, une grande puissance. Les défiances de l’opinion publique, généralement peu favorable au ministère de coalition, ne tardèrent pas à s’éveiller. Plusieurs corporations, se croyant menacées en principe dans leurs privilèges et leurs propriétés par le coup qui allait frapper la compagnie des Indes, résolurent de faire cause commune avec elle, et adressèrent en sa faveur des pétitions au roi et à la chambre des lords. Ces argumens n’eussent pas suffi pour entraîner George III. Il s’était d’abord montré satisfait d’une innovation qui tendait à restreindre, au profit de la puissance publique, les droits et l’autorité d’une classe de ses sujets ; mais on réussit à changer ses dispositions lorsqu’on lui représenta, comme Dundas l’avait fait à la chambre des communes, que les whigs, objet de sa mortelle aversion, trouveraient dans cette innovation une arme puissante pour se maintenir au pouvoir. Ce fut lord Temple, cousin de Pitt, qui, dans un entretien particulier, réussit à effrayer ainsi le monarque et à le séparer de ses conseillers officiels.