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encore l’effet. Un peu de monotonie, des formes trop officielles, la répétition fréquente des mêmes argumens, mal déguisée par le luxe de la phraséologie, des détours multipliés et superflus pour arriver à une conclusion qui pouvait être atteinte par une voie plus directe, telles étaient, dans les jours d’inspiration moins heureuse, les imperfections qui faisaient ombre à un si beau talent. On ne pouvait en douter, ce talent était fait pour le pouvoir plus que pour l’opposition. Le moment n’était point éloigné où il pourrait s’exercer dans sa sphère naturelle.

Le ministère de lord North ne tarda pas à recevoir le coup sous lequel il devait enfin succomber. Un peu avant l’ouverture de la session suivante, on apprit que l’armée anglaise de la Virginie, commandée par lord Cornwallis, le meilleur général qu’eût alors la Grande-Bretagne, avait mis bas les armes devant les forces de la France et de la nouvelle république. À cette nouvelle, la sécurité habituelle de lord North fit place pour quelques instans à un profond accablement. Il ne tarda pourtant pas à reprendre courage, et, lorsque le parlement se rassembla le 27 novembre 1781, l’opposition le trouva encore assis au banc de la trésorerie.

La discussion de l’adresse fut vive : Pitt y prit une grande part. On savait que le ministère était en proie à des dissentimens, causés par le mauvais succès de ses mesures. Pitt demanda si la confiance de la nation et du parlement pouvait se reposer sur des hommes qui ne s’en inspiraient aucune les uns aux autres ; il releva énergiquement la futilité des motifs allégués pour prolonger encore une lutte désespérée et désastreuse ; il dénonça à l’indignation publique la clause de la capitulation par laquelle lord Cornwallis avait abandonné à la justice des États-Unis les Américains restés fidèles à la mère-patrie ; il appela enfin la vindicte nationale sur les auteurs du système perfide qui, depuis si long-temps, faisait la honte et le malheur de l’Angleterre. L’opposition échoua dans ses efforts pour faire amender le projet d’adresse, mais le combat recommença presque aussitôt sous une autre forme. Pitt était un des plus ardens à l’attaque. Peu de jours après, il éleva de nouveau la voix contre des ministres assez méprisables pour rester au pouvoir alors qu’il n’existait plus entre eux aucun accord, et pour accepter, dans l’unique désir de conserver les bénéfices matériels de leur position, la responsabilité de mesures que plusieurs d’entre eux n’approuvaient pas. « La ruine de l’empire, s’écria-t-il, est leur seul principe de cohésion. Je crains qu’ils ne l’accomplissent avant que la vengeance du peuple les ait atteints. Et