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La chambre est allée plus loin. Un amendement de M. Lestiboudois. a proposé d’enjoindre au ministère de dénoncer le traité dans les délais voulus, afin qu’il fût supprimé le 16 juillet 1846. Qu’a fait le ministère devant cet amendement ?

Le ministère, ou pour mieux dire M. Guizot, trouve le traité du 16 juillet irréprochable. Aux yeux de M. le ministre des affaires étrangères, les concessions faites au gouvernement belge sont l’œuvre d’une politique habile et prévoyante. C’est le devoir, c’est l’intérêt de la France, de protéger la Belgique ; M. Guizot a agi dans ce but : sa conscience est donc en sûreté. Aussi, quand l’opposition de la chambre s’est déclarée, M. Guizot a promis de lui tenir tête. C’était une belle occasion pour lui d’engager, au nom des principes conservateurs, une question de cabinet. En effet, beaucoup d’esprits sages, dans la chambre, pensaient que l’amendement de M. Lestiboudois était une atteinte à la prérogative royale. Dire au gouvernement : Vous ne renouvellerez pas tel traité, c’est usurper le domaine de la puissance exécutive. De pareils actes, de la part des chambres, sont dangereux ; ils affaiblissent au dehors notre diplomatie ; ils diminuent la confiance des gouvernemens étrangers dans les engagemens souscrits par notre royauté constitutionnelle. Pour tous ces motifs, M. Guizot paraissait résolu à livrer une grande bataille contre l’amendement de M. Lestiboudois. A cet effet, il avait rassemblé autour de lui, le jour du vote, tous les appuis de sa fortune chancelante. Le parti ministériel avait été convoqué à domicile. Les malades avaient été arrachés de leur lit. Un honorable député, qui chassait avec les princes à Fontainebleau, avait été supplié d’accourir à Paris pour voter. Tous étaient à leur poste. Enfin M. Guizot est monté à la tribune. Qui n’eût dit, à voir son attitude imposante et son geste superbe, que le ministre allait défendre le traité belge et la prérogative royale ? Étrange déception ! Le traité belge a été défendu, cela est vrai ; mais la prérogative royale a été abandonnée. Le ministère, par l’organe de M. Guizot, a accepté l’injonction de la chambre. L’amendement de M. Lestiboudois a été accueilli comme une force dont le pouvoir se servirait dans des négociations nouvelles. Peu s’en est fallu que M. Guizot n’ait représenté M. Lestiboudois comme un ami complaisant du cabinet. La comédie a été bien jouée, comme on voit, et les intérêts de la couronne ont été sacrifiés avec une grace parfaite. Nous n’essaierons pas de décrire l’étonnement qu’a produit cette conclusion sur tous les bancs de la chambre, le désappointement du parti ministériel, l’ironie triomphante de la gauche, la douloureuse surprise des conservateurs, justement effrayés de cette disposition croissante du ministère à tout céder pour ne pas mourir, et à livrer l’une après l’autre les forces essentielles du gouvernement pour éviter les questions de cabinet.

Après le traité belge est venue la question des graines oléagineuses. Dans ces dernières années, la graine de sésame, venue de l’Orient, a ranimé la guerre entre nos industries du nord et du midi. Le sésame a vu se liguer contre lui l’olivier du midi et les huiles du nord, extraites des graines indigènes et des graines de la Baltique. L’équité veut que l’on élève le droit sur