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approchée des autres races, elle les a absorbées ; elle a pris au Nègre, à l’Américain, au Mongol, leurs tempéramens nerveux, bilieux, lymphatique, et elle a fait de tout cela des hommes à son image. Cette race géante, descendue un jour des montagnes du Caucase, séjour de Prométhée, n’a point encore terminé son œuvre. La race blanche a commencé en Asie : la population actuelle de notre continent est le résultat de plusieurs migrations successives et du croisement de ces migrations entre elles. La marche des colonies qui se sont détachées des montagnes situées dans le nord de l’Asie est invariable : la race caucasique s’avance d’orient en occident ; elle laisse sur son chemin une série de peuples qui se suivent et se succèdent les uns aux autres, en sorte que c’est pour ainsi dire étape par étape qu’elle développe ses forces. Dans ce mouvement général, le groupe celtique a précédé le groupe teuton, qui a devancé le groupe slave. La formation des différens peuples de notre continent a donc été marquée par des haltes et des temps de repos de la civilisation. Chacun de ces peuples apporte à son tour des propriétés qui le caractérisent ; c’est de leur addition successive et de leur mélange que résulte la figure actuelle de l’Europe.

Il existe une croissance dans les races ; à mesure qu’elles grandissent, la main de la nature achève sur elles son ouvrage : cette croissance se manifeste dans la race caucasique. Plus nous remontons vers son berceau, plus nous lui découvrons les caractères de la première enfance. Un grand nombre de monumens historiques s’accordent à nous représenter les hommes des migrations primitives comme ayant des yeux bleus et des chevelures qui variaient du roux au blond clair : les Celtes étaient blonds, les Germains étaient roux. Ces deux nuances ont cessé d’être dominantes en France et en Allemagne. Les Écossais formaient également une race blonde : ils ont aujourd’hui perdu ce caractère. On peut donc dire que la couleur générale dans la population actuelle de l’Europe diffère notablement de celle de toutes les races qui ont concouru à la former. Ce résultat ne s’explique qu’en partie par les changemens auxquels ont donné naissance le mélange des peuples et les influences du climat. On est forcé de recourir à une autre cause d’action, à un principe moteur en vertu duquel une race qui avance rejette ses formes primitives pour en revêtir sans cesse de nouvelles. M. l’abbé Frère, auquel nous devons des recherches très curieuses sur les périodes historiques, a observé que le tempérament de notre race avait été successivement lymphatique, sanguin, puis bilieux.